L'entourage de Stephen Harper et les autorités du Sénat étaient non seulement au courant des dépenses de Mike Duffy, ils les ont même approuvées, a affirmé l'avocat du sénateur, lundi. Et le chèque personnel de 90 000$ que lui a remis l'ex-bras droit du premier ministre ferait partie d'un vaste « scénario » pour étouffer l'affaire.

Au moment où le Sénat s'apprête à débattre d'une motion pour le suspendre en compagnie de deux autres sénateurs impliqués dans le scandale des dépenses, M. Duffy a fait savoir qu'il ne se laissera pas écarter sans livrer bataille.

Son avocat, Donald Bayne, a soutenu que le sénateur a toujours respecté les règles de la Chambre haute. Il dit détenir la preuve que le bureau du premier ministre était au courant de ses allocations de logement, et qu'il les a approuvées. L'ex-leader des conservateurs au Sénat, Marjory LeBreton, aurait également donné son feu vert à ses pratiques.

« Il n'a pas, pendant des années, essayé clandestinement de réclamer de manière inappropriée des allocations de logement, a déclaré l'avocat. Il a eu le feu vert dès le jour 1. »

Il dit être en possession de plusieurs courriels qui prouveraient ses allégations, mais il a refusé de les produire lundi. 

Bouc émissaire

Selon Me Bayne, Mike Duffy est menacé d'être suspendu du Sénat parce qu'il a refusé de jouer le rôle du bouc émissaire après la diffusion des premiers reportages sur ses dépenses.

L'éclatement au grand jour de l'affaire, l'hiver dernier, a provoqué la grogne de la base conservatrice, relate-t-il. Le proche entourage du premier ministre aurait donc imaginé un « scénario » par lequel il accepterait de rembourser les allocations de logement qu'il a touchées pendant quatre ans.

On aurait ainsi élaboré des « lignes de presse » pour le sénateur. Le chef de cabinet de M. Harper, le millionnaire Nigel Wright, lui aurait signé un chèque personnel de 90 000$ pour qu'il puisse récupérer les fonds qu'il rembourserait au Sénat.

« Le paiement de 90 000$ n'était pas un geste du sénateur Duffy, a soutenu Me Bayne. C'était une tactique politique que lui a imposée le bureau du premier ministre. »

Nigel Wright et Mike Duffy se trouvent aujourd'hui au coeur d'une enquête de la GRC en lien avec cette affaire.

Dans ce contexte, l'avocat du sénateur soutient que la motion qui vise à le suspendre avec deux autres sénateurs impliqués dans le scandale des dépenses, est «injuste», « draconienne » et «inconstitutionnelle ».

Harper réagit

À se première présence aux Communes depuis la reprise des travaux parlementaires, Stephen Harper a répondu aux questions de l'opposition en mettant en relief l'accord de principe sur le libre-échange avec l'Union européenne. Il a cependant rappelé Nigel Wright a accepté lui seul la responsabilité du chèque de 90 000$.

« Nous nous attendons à ce que tous les parlementaires respectent la lettre et l'esprit des règles qui régissent leurs dépenses et s'ils ne les respectent pas, ils peuvent s'attendre à des conséquences et de la reddition de comptes pour leurs actions », a-t-il déclaré.

En choeur, les trois partis de l'opposition ont fait valoir que les allégations de l'avocat de Mike Duffy contredisent la version des faits avancée jusqu'ici par le premier ministre conservateur.

« Le premier ministre a déclaré à la Chambre le 5 juin que Nigel Wright a agi seul, souligné le député du Nouveau Parti démocratique, Charlie Angus. Nous savons que ce n'est pas vrai. »

« L'explication du gouvernement et de M. Harper que M. Wright a rêvé ce stratagème tout seul, qu'il n'a consulté personne, qu'il n'a informé personne ne semble pas très crédible d'après moi », a ajouté le député du Parti libéral, Dominic LeBlanc.

Le chef du Bloc québécois, Daniel Paillé, a abondé dans le même sens.

« Il met en lumière que tout converge vers le bureau du premier ministre », a-t-il déclaré.

Suspensions

Les conservateurs ont introduit la semaine dernière des motions pour suspendre sans salaire les sénateurs Mike Duffy, Pamela Wallin et Patrick Brazeau.

L'avocat de M. Duffy a affirmé que le sénateur considère sérieusement de contester sa suspension si la motion est adoptée.

L'avocat de Mme Wallin a également indiqué que la sénatrice pourrait s'adresser aux tribunaux.