Le gouvernement Harper veut faire de la protection des consommateurs sa priorité, selon le discours du Trône qui sera lu au Sénat mercredi. L'économie et la lutte contre la criminalité ne seront pas loin derrière. Après une pause de 120 jours, les députés retournent cette semaine à la Chambre des communes.

Même si l'économie et la lutte contre la criminalité continueront d'être les deux grands axes prioritaires de sa gestion des affaires de l'État, le gouvernement Harper compte profiter du discours du Trône, qui sera lu au Sénat mercredi, pour faire la cour aux consommateurs de tous genres.

Figure montante des conservateurs à Ottawa, le ministre de l'Industrie, James Moore, a indiqué en fin de semaine que de nouvelles mesures seront annoncées afin de mieux protéger les droits des passagers aériens, des utilisateurs de téléphone cellulaire et des abonnés au câble.

«On a de nouvelles pistes pour mettre les consommateurs en priorité dans notre système économique afin de mieux protéger leurs intérêts», a déclaré M. Moore à l'émission Les coulisses du pouvoir de Radio-Canada, dimanche.

M. Moore a livré le même message dans des entrevues accordées à CTV et CBC le même jour.

Ainsi, les passagers seraient mieux dédommagés par les compagnies aériennes quand leurs bagages sont égarés ou encore quand ils ne peuvent obtenir leur siège parce que la compagnie a vendu trop de billets.

Ottawa voudrait aussi mettre fin à la pratique des câblodistributeurs qui forcent les abonnés à payer pour une longue liste de chaînes simplement pour obtenir des réseaux comme RDS ou TSN. Les abonnés pourraient donc s'abonner uniquement aux chaînes qu'ils désirent.

Enfin, le gouvernement conservateur souhaiterait mieux encadrer les frais d'itinérance qu'imposent les sociétés de télécommunications sans fil, au pays comme à l'étranger. D'ailleurs, une nouvelle réglementation du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, qui entrera en vigueur en décembre, limitera les frais à 100$ par mois lorsque les abonnés sont à l'étranger.

Le discours du Trône qui sera présenté demain doit permettre au gouvernement Harper de mettre en évidence de nouvelles priorités, dans le contexte où il entreprend la seconde moitié de son mandat majoritaire. Des élections fédérales sont prévues en octobre 2015.

Mais les partis de l'opposition, le Nouveau Parti démocratique (NPD) en tête, ne sont pas impressionnés par cette soudaine préoccupation des consommateurs de la part du gouvernement conservateur. «Regardons leur bilan en matière de protection des consommateurs. À chaque fois que nous avons proposé quelque chose, ils ont voté contre», a soutenu le chef du NPD, Thomas Mulcair, dans une entrevue accordée à La Presse. Il a rappelé que le NPD avait proposé un projet de loi pour protéger les droits des passagers et un train de mesures pour réduire les frais exigés par les banques, mais que les conservateurs ont refusé de les appuyer.

Après avoir remanié en profondeur son cabinet en juillet, Stephen Harper utilise donc une autre carte à sa disposition pour donner un nouveau souffle à son gouvernement et tenter de faire oublier le scandale des dépenses au Sénat, qui a fait perdre des plumes au Parti conservateur dans les sondages.

Paradoxalement, le discours du Trône sera lu par le gouverneur général David Johnston vers 17h demain, au Sénat, l'institution qui cause de sérieux maux de tête aux conservateurs depuis le début de l'année.

Trois sénateurs nommés par Stephen Harper - Mike Duffy, Pamela Wallin et Patrick Brazeau - font l'objet d'une enquête de la Gendarmerie royale du Canada pour avoir réclamé le remboursement de dépenses injustifiées, tandis que l'ancien chef de cabinet du premier ministre, Nigel Wright, est dans la ligne de mire des policiers pour avoir rédigé un chèque personnel de 90 000$ au sénateur Duffy pour l'aider à rembourser des allocations de logement qu'il a indûment empochées pendant quatre ans.

Malgré la controverse qui frappe la Chambre haute, des stratèges conservateurs ont fait savoir que le discours du Trône pourrait être muet sur l'avenir de cette institution.

En matière de lutte contre la criminalité, le gouvernement Harper devrait réitérer son intention d'adopter une charte des victimes.

Plusieurs s'attendent aussi à ce que le gouvernement resserre les mesures de sécurité pour le secteur ferroviaire dans la foulée de la tragédie de Lac-Mégantic, qui a coûté la vie à 47 personnes et rasé le centre-ville de cette municipalité du Québec.

Sur le front économique, les conservateurs devraient rappeler leurs intentions de conclure des accords de libre-échange avec certains partenaires, dont l'Union européenne. On devrait aussi rappeler l'objectif d'éliminer le déficit d'ici 2015.

STEPHEN HARPER EN CHIFFRES

59

Le nombre de sénateurs nommés par Stephen Harper, qui avait pourtant promis d'abolir la chambre haute quand il était dans l'opposition. Comble de l'ironie, trois de ses nominations - Mike Duffy, Pamela Wallin, Patrick Brazeau - se retrouvent au coeur du pire scandale à avoir ébranlé le gouvernement conservateur. Ils ont empoché des milliers de dollars en allocations auxquelles ils n'avaient pas droit. L'ex-bras droit du premier ministre, le millionnaire Nigel Wright, a signé un chèque personnel de 90 000 $ à Duffy pour le sortir du pétrin.

14 %

L'appui au Parti conservateur de Stephen Harper au Québec, selon le dernier sondage CROP-La Presse, réalisé à la fin de septembre. Le leader avait fait des pieds et des mains pour gagner la confiance des Québécois à son arrivée au pouvoir, mais sa députation a fondu de moitié dans la province aux dernières élections. Il n'y a que cinq députés conservateurs au Québec.

54

Député depuis 1993, premier ministre depuis près de huit ans, Stephen Harper est somme toute fort jeune malgré l'ampleur de son parcours. À 54 ans, il est beaucoup plus jeune que ne l'était Jean Chrétien au même stade de son mandat : l'ancien chef libéral avait 67 ans lorsqu'il a célébré son huitième anniversaire au pouvoir. Plusieurs observateurs spéculent sur la possibilité qu'il démissionne avant les prochaines élections. Chose certaine, ce ne sera pas pour cause de vieillesse.

4

Une élection partielle n'est pas garante du résultat d'une élection générale, mais elle donne une bonne idée de l'humeur de l'électorat. Et elle réserve de mauvaises surprises aux gouvernements en place. Stephen Harper a jusqu'à la mi-décembre pour en déclencher quatre. Le Nouveau Parti démocratique a l'oeil sur les châteaux forts libéraux de Bourassa, à Montréal, et de Toronto-Centre. Les conservateurs tenteront pour leur part de se faire réélire dans Brandon-Souris et Provencher, au Manitoba.

150

Féru d'histoire, Stephen Harper s'active depuis des années à mettre en relief le passé canadien sous un jour plus conservateur. On n'a qu'à penser à la multiplication des portraits de la reine dans les édifices fédéraux ou à la commémoration de la guerre de 1812. Le 150e anniversaire du Canada approche à grands pas et on s'attend à ce que le gouvernement conservateur mise sur la « fierté canadienne » à l'approche de cette grande fête.

- Martin Croteau

LA LOI ET L'ORDRE TOUJOURS AU PROGRAMME

L'arrivée d'un nouveau ministre de la Justice n'a pas marqué de changement de ton, et la loi et l'ordre restent des sujets de prédilection pour le gouvernement Harper. Voici trois dossiers dans lesquels il souhaite légiférer au cours des prochains mois.

1. La charte des victimes

Le ministre MacKay a repris là où son prédécesseur Rob Nicholson avait laissé. Il a mené une tournée des provinces et territoires canadiens cet été afin de discuter du projet de charte des victimes. On ignore quand le document sera présenté et la forme exacte qu'il prendra, mais on s'attend à ce que le gouvernement y accorde une grande importance, étant donné la position de défenseur des droits des victimes qu'il a adoptée depuis son arrivée au pouvoir.

2. La cyberintimidation

Plusieurs cas d'intimidation sur l'internet ont été rapportés dans les médias au cours des derniers mois, et le ministre MacKay a promis de présenter un projet de loi pour agir sur cette question. Il souhaite utiliser une approche « holistique », qui engloberait diverses pistes de solution, dont la prévention et la punition. La stratégie aura recours à des programmes existants, comme Pensez cybersécurité et le site web aidezmoisvp.ca.

3. Les prédateurs sexuels d'enfants

Le premier ministre Harper a lui-même annoncé cet été qu'un projet de loi serait déposé à l'automne pour amender le Code criminel et rendre les peines plus sévères à l'égard de ce type de criminels. Les peines de prison pour certaines infractions seraient purgées de manière consécutive, comme c'est le cas aux États-Unis, et la durée de certaines peines minimales serait augmentée.

QUELQUES CHIFFRES

15 %

C'est la proportion approximative des projets de loi adoptés par Ottawa dans le domaine de la loi et de l'ordre depuis l'arrivée au pouvoir des conservateurs, en 2006. À noter que certains d'entre eux, comme le célèbre projet de loi omnibus C-10, comportaient plusieurs volets en un seul projet.

C-25 

Comme C-10, ce projet de loi a aussi reçu une attention considérable. Il réduisait le poids de la détention avant procès dans le calcul de la peine. Plusieurs craignaient qu'il fasse exploser le nombre de détenus, en particulier dans les prisons provinciales. Selon le Service correctionnel du Canada, l'impact sur la population carcérale fédérale a été moins important que prévu.

37 200 $

C'est le coût que peut atteindre, en moyenne, un recours judiciaire incluant un procès de deux jours, selon un rapport rendu public la semaine dernière. Le problème d'accès à la justice au Canada est de plus en plus évoqué, et le Nouveau Parti démocratique a promis d'en faire l'une de ses priorités lors de la session parlementaire qui s'amorce. Sa porte-parole en matière de Justice, Françoise Boivin, réclame notamment plus de juges à la Cour supérieure et une hausse des transferts en matière d'aide juridique.

- Hugo de Granpré