Alors qu'Ottawa avait ordonné que soit fermée la seule bibliothèque scientifique maritime francophone du pays, celle de l'Institut Maurice-Lamontagne à Mont-Joli, le commissaire aux langues officielles recommande de garder ses portes grandes ouvertes.

La fermeture de cette bibliothèque du Bas-Saint-Laurent et d'une autre, celle du Centre des pêches du Golfe à Moncton, avait fait l'objet de neuf plaintes au bureau du commissaire Graham Fraser.

Ces bibliothèques devaient fermer ce mois-ci, sur ordre du gouvernement.

Dans un rapport préliminaire daté d'octobre 2013 remis au député du Bloc Québécois Jean-François Fortin, lui-même à l'origine d'une plainte, M. Fraser juge que les neuf plaintes sont en partie fondées.

À l'origine de ces fermetures se trouvent les compressions budgétaires d'Ottawa. Le ministère des Pêches et Océans a annoncé que la clé serait mise sous la porte de sept de ses 11 bibliothèques scientifiques. Deux d'entre elles desservent les francophones.

Les plaignants faisaient valoir notamment que les scientifiques francophones n'auraient plus accès à de la documentation maritime en français, ni au service dans cette langue. Le centre de recherche de Mont-Joli est par ailleurs l'un des plus respectés au monde, affirme M. Fortin, qui rappelle qu'il effectue de la recherche au sujet de la pollution sous-marine, des fonds marins et des changements climatiques.

Dans le plan du ministère, il était prévu que la documentation de Mont-Joli se retrouve dans l'une des bibliothèques rescapées des coupes, en Nouvelle-Écosse, et qu'elle serait bilingue - mais dans une région anglophone de la province.

Le gouvernement maintenait qu'il n'avait pas le choix de faire des compressions et que les services aux scientifiques ne seraient pas affectés, notamment parce que la transmission de documentation se fait de plus en plus par voie électronique.

Après enquête, le commissaire aux langues officielles a jugé que les fermetures de bibliothèques n'affecteraient pas le service au public ni le droit des employés de travailler dans la langue de leur choix. Mais il croit que la décision de fermer la bibliothèque scientifique de Mont-Joli aura un impact sur les communautés francophones au pays. Pour cette raison, il recommande que le gouvernement revienne sur sa décision.

Et il l'enjoint à procéder à une consultation dans ses décisions futures, pour s'assurer que ses choix n'ont pas d'impacts négatifs sur les communautés en situation linguistique minoritaire.

Jean-François Fortin se dit satisfait des conclusions du commissaire.

«Selon lui, il n'y a pas de mesures d'adaptation possibles, autres que de maintenir la bibliothèque ouverte. L'objectif est atteint», dit-il.

Et puis «la fermeture du centre de référence n'allait pas entraîner des économies très importantes. C'était donc une volonté idéologique», juge-t-il.

«On avait l'impression qu'il y avait une volonté de réduire l'accès à la connaissance, pour que la recherche ne soit pas accessible à la communauté régionale», avance le député.

Il espère que le ministère donnera le feu vert à la bibliothèque très bientôt.

Contacté pour savoir de quelle manière il entendait donner suite au rapport du commissaire aux langues officielles, le ministère a réitéré ses arguments sur l'élimination du gaspillage et sur l'offre de documentation en format numérique.

«La bibliothèque continuera d'offrir des services en anglais et en français», est-il écrit dans un courriel. «Le Commissaire lui-même dit que "le nouvel organigramme proposé par le Ministère montre que la bibliothèque de l'IOB (le centre en Nouvelle-Écosse) comptera trois postes bilingues sur quatre. De plus, les personnes occupant les quatre positions de l'équipe nationale seront bilingues".»

Le Bloc québécois promet de revenir à la charge auprès de la ministre des Pêches et Océans, Gail Shea, la semaine prochaine, quand la Chambre siégera à nouveau.