Une vérification auprès d'Élections Canada en 2012 a révélé d'importantes lacunes dans son programme de sécurité, notamment en ce qui concerne la protection de renseignements électoraux et les employés des bureaux de scrutin. À l'approche d'élections partielles cet automne, rien n'indique que les problèmes ont été réglés.

Selon ce rapport rédigé par la firme Orbis Consulting et que l'on peut lire sur le site d'Élections Canada, la politique de l'organisme en ce qui a trait à la sécurité est «désuète».

Le rapport cite, par exemple, le fait que les employés des bureaux locaux et des bureaux des scrutins, outre le directeur du scrutin, ne font pas l'objet d'une enquête de sécurité.

«À l'occasion d'un scrutin, les directeurs du scrutin embauchent environ 190 000 travailleurs temporaires pour 65 000 bureaux de vote répartis en 308 circonscriptions, indique le rapport. La plupart de ces travailleurs occupent des emplois de confiance et ont accès à des renseignements de nature délicate, dont le Registre national des électeurs et les systèmes de TI [technologies de l'information] sécurisés.»

Même constat en ce qui concerne les entrepreneurs qui font affaire avec Élections Canada et qui ne subissent pas tous des vérifications de leurs antécédents.

Pas d'évaluation

Le rapport mentionne aussi qu'Élections Canada n'effectue pas d'évaluation des risques liés au scrutin. De plus, la haute direction d'Élections Canada ne reçoit pas régulièrement de rapports sur le programme de sécurité.

«Il est peu probable qu'Élections Canada soit en mesure d'élaborer un plan efficace pour accroître la sécurité durant un scrutin, puisque l'organisme ne mène pas d'EMR [évaluation des menaces et risques] en bonne et due forme pour connaître les risques et les vulnérabilités associés aux scrutins, aux bureaux locaux et aux bureaux de scrutin», peut-on lire.

En avril 2010, la Direction des programmes et des services en région avait déjà mené une évaluation des risques concernant l'utilisation des renseignements électoraux.

«L'évaluation a permis de relever de nombreuses faiblesses et vulnérabilités relativement à la protection des renseignements électoraux», dit le rapport sans préciser quelles étaient ces failles.

La Presse a tenté d'obtenir davantage de détails quant aux problèmes soulevés par ce rapport. Élections Canada n'a pu fournir d'informations précises. Quant à savoir quels gestes ont été posés depuis la publication du rapport, l'organisme dit avoir mis en place des «mesures provisoires» telles que des séances d'information sur la sécurité dans les bureaux électoraux locaux en vue des élections partielles, cet automne.

L'organisme n'a pas pu citer d'autres mesures implantées, pas plus qu'il ne pouvait confirmer si les employés des bureaux de scrutin feraient l'objet d'enquêtes.

«Il est important de noter qu'à aucun moment les systèmes d'Élections Canada n'ont été menacés», a rassuré Diane Benson, porte-parole de l'organisme.

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Des constats inquiétants?

Patrick Boucher, président de la firme spécialisée en sécurité informatique Gardien Virtuel, croit que les conclusions du rapport sont «dévastatrices». «L'étude ne portait pas sur la classification de l'information ni sur la protection des documents. Ils ont uniquement regardé les contrôles en place... et déjà, à cette étape, on constate qu'ils ne les respectent même pas!»

Benoît Dupont, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en sécurité et technologie à l'Université de Montréal, apporte toutefois une nuance.

«Quelles informations ont-ils? Vos nom, adresse et date de naissance... La mauvaise nouvelle, c'est que tous les jours, des dizaines d'organisations canadiennes et privées perdent ce genre d'informations. Élections Canada n'est pas pire ou mieux qu'une autre», affirme-t-il.

La moindre lacune demeure cependant préoccupante, selon M. Boucher, en raison de la confiance que doit inspirer Élections Canada. Le rapport fait d'ailleurs écho à cet aspect en soulignant que le déroulement sécuritaire des scrutins est fondamental au sein de notre système démocratique.

«La confidentialité, l'intégrité et l'accessibilité des renseignements électoraux de nature délicate ne doivent pas être compromises ni remises en question», peut-on lire.

- Avec la collaboration de William Leclerc