Le SCRS, le service de renseignement canadien, veut renforcer ses échanges avec le mystérieux Centre de la sécurité des télécommunications Canada (CSTC), les grandes oreilles du Canada, en bâtissant un pont entre les deux organismes. Un vrai pont!

En février dernier, le directeur général du SCRS, Richard Fadden à ce moment-là, a écrit au ministre de la Sécurité publique d'alors, Vic Toews, pour lui demander son accord pour ce projet.

Dans le mémorandum de deux pages classifié Secret obtenu par La Presse, Richard Fadden se livre à un plaidoyer pour la construction de ce «lien de connectivité» physique entre ces deux maillons de notre système de renseignement.

Le CSTC, agence de la Défense nationale partenaire de la controversée NSA, est en effet en train de se construire une nouvelle forteresse hautement sécurisée, d'une superficie de 80 000 mètres carrés, sur le terrain voisin de celui du SCRS, au nord du chemin Ogilvie à Ottawa.

Un «lien physique entre les deux bâtiments qui encourage et permet à nos employés de se déplacer plus librement entre les deux installations», écrit Richard Fadden. Selon lui, bien qu'en temps normal «bâtir des ponts avec les partenaires domestiques» ne suppose pas des échanges en personne, dans ce cas, il se dit persuadé que son pont sera la «démonstration concrète de ses [nos] efforts pour faciliter et encourager plus de ...[censuré] collaboration avec le CSTC».

Fadden précise aussi que le coût de cette passerelle, caviardé sur le document obtenu, sera partagé entre la CSTC et le SCRS.

Le SCRS, dirigé depuis cet été par le Québécois Michel Coulombe, n'a pas voulu commenter ce pont, au sens propre comme figuré, entre ces deux partenaires.

«Le CSTC et le SCRS oeuvrent tous deux à protéger le Canada et ses intérêts. Il existe de nombreux moyens de nous entraider tout en respectant nos mandats législatifs respectifs», a répondu Tahera Mufti, porte-parole du SCRS. Le CSTC n'a pas commenté.

Le coût de construction du nouveau QG du CSTC, totalement opérationnel en 2014, est estimé à 900 millions. À terme, tout ce secteur Ogilvie/Blair sera transformé en un véritable bunker de l'espionnage, contre-espionnage et contre-terrorisme.

- Avec William Leclerc

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Qu'est-ce que le CSTC?

Le CSTC est l'organisme fédéral chargé d'intercepter des communications en provenance ou en direction de l'étranger, afin de protéger la sécurité nationale du Canada. L'organisme remonte à la Seconde Guerre mondiale. Sa main-d'oeuvre compte des perceurs de code qui se chargent de décrypter des messages clandestins, dans le but de recueillir des informations utiles aux services de renseignement canadien ou étrangers.

«La fin de la guerre froide a marqué la fin des superpuissances paradant avec leurs armes de destruction massive apocalyptiques et a donné au public un faux sentiment de sécurité après la dissolution de l'Union soviétique, peut-on lire sur le nouveau site web de l'organisme. En fait, la collectivité internationale du renseignement a dû s'adapter à de nouvelles menaces, parfois encore plus grandes, pesant contre la sécurité et l'économie de leurs pays respectifs.»

- Par Hugo de Granpré