Les dépenses injustifiées de la sénatrice Pamela Wallin, qui totalisent maintenant quelque 140 000$ depuis sa nomination par Stephen Harper en janvier 2009, ont provoqué au pays une forte tempête politique qui ébranle le Sénat et le gouvernement conservateur.

Mais ce n'était pas la première fois que Mme Wallin, qui a été sommée cette semaine par un comité de la chambre haute de rembourser cette somme d'ici 30 jours (moins les 38 000$ qu'elle a déjà repayés au printemps), refilait des factures surprenantes aux contribuables. Des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information démontrent qu'elle s'offrait un train de vie quasi princier lorsqu'elle était consule générale du Canada à New York, de 2002 à 2006.

Les 2670 pages de factures et de pièces justificatives soumises par Mme Wallin, nommée au consulat de la Grosse Pomme par l'ancien premier ministre libéral Jean Chrétien, soulèvent les mêmes questions que les dépenses qu'elle a encourues depuis qu'elle est sénatrice.

En tout, les factures frisent les 290 000 $. Plusieurs se rapportent à des réceptions qu'a organisées l'ancienne journaliste en l'honneur de visiteurs importants comme les premiers ministres provinciaux, l'ancien gouverneur de la Banque du Canada David Dodge, des ministres du gouvernement canadien de passage à New York ou le Who's Who des médias, du monde culturel et des finances aux États-Unis. (Le consulat disposait d'un budget annuel de près de 48 000 $ pour de telles activités, comme c'est le cas pour les autres postes diplomatiques.) Mais d'autres concernent des voyages qui n'avaient aucun lien avec ses responsabilités de diplomate.

L'échelle salariale du consul général à New York varie entre 145 600 $ et 171 300 $ par année.

L'opposition outrée

Le NPD, qui forme l'opposition officielle à la Chambre des communes, s'est dit outré des demandes de remboursement de Mme Wallin entre 2002 et 2006. « L'attitude de Mme Wallin est révoltante. C'est une récidiviste acharnée. Dès le départ, elle a voulu piger à même les fonds publics. C'est une gestion irresponsable de l'argent des contribuables. Nous sommes heureux maintenant que le vérificateur général fouille l'ensemble des sénateurs. Mais je pense que le cas de Mme Wallin est plus désespéré que d'autres. Elle a un historique de dépenser l'argent des fonds publics à des fins personnelles », a affirmé le député néo-démocrate Alexandre Boulerice.

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Des voyages coûteux



GALA ET LIMOUSINE

Mme Wallin s'est rendue à Toronto du 2 au 4 novembre 2002 afin d'assister à la 17e soirée des Gemini Awards et à la remise du prix Giller. Elle s'est fait rembourser un billet d'avion (1406$), un service limousine de trois jours à Toronto (663$), des frais de repas d'environ 65$ et deux nuits d'hébergement à 50$ chacune pour dormir... à son condo de Toronto. Facture totale: 2234$.

UN DÎNER POUR GIULIANI

En novembre 2002, Mme Wallin s'est de nouveau rendue à Toronto afin d'assister à un dîner en l'honneur de l'ancien maire de New York Rudy Giuliani et pour rencontrer une dirigeante de la Bourse TSX. Ce séjour de trois jours dans la métropole a coûté 2047$ aux contribuables, dont 150$ pour héberger Mme Wallin pendant trois nuits à son condo («private accomodation 50$», peut-on lire dans son compte de dépenses). De cette somme, 386$ ont servi à payer un service de limousine.

VISITE AUX BERMUDES

Une visite de cinq jours aux Bermudes, en mars 2003, afin de rencontrer des «membres du cabinet, des hauts fonctionnaires et des gens d'affaires» et s'offrir deux journées de vacances a coûté la rondelette somme de 3400$ US aux contribuables canadiens.

SOMMET DE LEADERS

En février 2006, la diplomate a été invitée à participer à la rencontre annuelle de Belizean Grove, un organisme américain de PDG et de leaders du monde des affaires, à San Juan, Porto Rico. Les contribuables ont épongé une facture de 1340$.

UN PRIX À RÉGINA

En décembre 2002, Mme Wallin s'est rendue à Regina, avec escale à Toronto, afin de recevoir le Golden Jubilee Award et donner un coup de fil de courtoisie au premier ministre de la Saskatchewan de l'époque, Lorne Calvert. Facture: 2127$.

DAVOS NORD-AMÉRICAIN

En août 2004, Mme Wallin a assisté, «comme invitée spéciale canadienne», au Brainstorm 2004, également connu comme le Davos nord-américain et organisé par Fortune et l'Institut Aspen. Facture: 4644$. Elle a assisté au même forum en juin 2006, peu de temps avant la fin de son mandat. Une autre facture de 4450$.

UN LUXUEUX HÔTEL

En avril 2005, elle a prononcé un discours sur les relations canado-américaines devant le... Canadian Club de Winnipeg. La facture reliée à ce séjour, incluant un arrêt à Toronto à l'aller et au retour, a atteint 3552$, dont 940$ pour trois nuits au luxueux hôtel Winnipeg Fairmont.

ÉLECTIONS DE LUXE

Mme Wallin s'est assurée de pouvoir regarder adéquatement la soirée des élections présidentielles en novembre 2004. Un système télévisuel a été loué pour l'occasion, pour la somme de 1500$US.

PREMIÈRE CLASSE

En octobre 2005, Mme Wallin s'est rendue à Montréal pour prononcer un discours à l'assemblée annuelle du Museum of Television and Radio. Elle a ensuite fait un arrêt à Ottawa pour assister au dîner annuel de la Tribune de la presse. Le voyage s'est soldé par une facture de 1298$, dont 934$ pour le billet d'avion en première classe.

GESTION D'UNE FIDUCIE

En acceptant le poste à New York, Mme Wallin a décidé de placer ses avoirs financiers dans une fiducie sans droit de regard. À la fin de son mandat de quatre ans, en 2006, elle s'est fait rembourser la totalité des frais de gestion de cette fiducie par les contribuables, comme le lui permettent les règles du Conseil du Trésor qui concernent les titulaires de charge publique (on dénombre 1100 titulaires de charge publique au sein de l'appareil fédéral). Coût: 98 744$, un paiement endossé par le commissaire à l'éthique de l'époque, Bernard Shapiro.

- Avec William Leclerc