Un nouveau chef libéral à Ottawa et à Québec; un nouveau maire à Montréal. Quel style de politicien est dans l'air du temps ces années-ci au pays? Y en a-t-il un qui réussit mieux que les autres à séduire l'électorat?

«Les gens disent qu'ils veulent voter pour le plus honnête, mais ce n'est jamais le plus honnête qui gagne.»

Qui le dit? Youri Rivest, vice-président de CROP qui a mené bien des sondages.

Pour appuyer son propos, M.Rivest évoque le cas de Mario Dumont, qui «sondage après sondage, était toujours perçu comme étant le plus honnête». Il n'est pourtant jamais devenu premier ministre.

M. Rivest croit en fait que les gens choisissent le candidat qu'ils perçoivent comme étant le plus compétent.

La commission Charbonneau, qui met chaque jour en lumière des pratiques peu reluisantes, pourrait-elle changer la donne, du moins dans l'immédiat? Le 1er mai, la Chambre de commerce de Montréal a publié en tout cas un communiqué de presse qui semble aller dans ce sens. L'organisme disait «rechercher un maire pour Montréal». Première qualité recherchée du candidat espéré? L'intégrité.

Frédéric Bastien, professeur de science politique à l'Université de Montréal (à ne pas confondre avec l'historien à l'origine du débat sur le rapatriement de la Constitution!), croit, lui, que c'est tout simple. Citant les cas de Barack Obama et de Régis Labeaume, il avance que ce qui marche le mieux, c'est d'être capable de faire rêver.

Aux prochaines élections municipales à Montréal, «celui qui serait capable d'envoyer le signal que tout n'est pas noir et corrompu à Montréal, qu'il y a de l'espoir et de la place pour des grands projets, cette personne pourrait recevoir une écoute particulière [de l'électorat].»

Une question d'époque

Ancien chef de cabinet de Robert Bourassa, John Parisella - l'homme qui a dit non, non et non au lobby qui voulait l'envoyer à la mairie de Montréal- croit, lui, que c'est le contexte politique ou social qui explique l'émergence d'un leader ou d'un autre. Il cite le cas de Barack Obama, dont le curriculum vitae «était plutôt mince, surtout en comparaison avec celui de Hillary Clinton». Seulement, il y avait cette crise économique aux États-Unis, il y avait l'Irak, l'Afghanistan...»Les Américains voulaient de l'espoir, un changement, et à ce titre, Mme Clinton, à cause de son mari, donnait une impression de déjà-vu.»

Chaque époque produirait donc, selon M. Parisella, un style donné de politicien. René Lévesque est apparu lors d'un sursaut identitaire québécois. Le peu charismatique RobertBourassa? À l'heure des grands projets de développement économique. Le coloré Réal Caouette? À une époque où l'électorat était sensible à un certain populisme.

Victimes d'un contexte?

Robert Asselin, qui a tour à tour conseillé PaulMartin, StéphaneDion, MichaelIgnatieff et JustinTrudeau, a recours lui aussi à cette thèse du contexte favorable ou pas à un candidat pour expliquer les débâcles de Michael Ignatieff et de Stéphane Dion.

Ceux-ci seront les premiers à admettre que tout n'a pas bien marché, dit-il. Ceci étant dit, dans leurs cas, il faut dépasser à son avis le strict plan des personnalités.

«Ils sont arrivés à un moment où le Parti libéral avait un gros problème d'image, dit-il. Il serait donc injuste de leur attribuer personnellement l'échec aux élections.»

Ce qu'en dit la recherche

C'est loin d'être une science, mais des chercheurs se sont bien penchés sur la question, relève Thierry Giasson, professeur au département d'information et de communication à l'Université Laval.

Selon la littérature, les électeurs recherchent chez les candidats l'une ou l'autre des quatre caractéristiques suivantes (ou des combinaisons): la nouveauté, la compétence, l'expérience et l'honnêteté.

Au Québec, lors des dernières élections, les libéraux ont mis de l'avant leurs compétences économiques, dit M. Giasson. FrançoisLegault, s'entourant de JacquesDuchesneau, a misé pour sa part sur la carte de l'honnêteté, «comme l'a fait Gérald Tremblay aux dernières élections, jurant n'avoir rien su de [l'affaire] des compteurs d'eau».

Mélanie Joly, elle, mise sur la nouveauté. «J'ai 34 ans, c'est une force d'avoir 34 ans en politique», a-t-elle martelé.

Son équipe, a-t-elle dit, sera composée de gens d'expérience, aux côtés de «gens que vous n'avez jamais vus».

Même combat au Parti libéral du Canada, qui mise aussi sur la nouveauté, commente M. Giasson. Il est jeune, il est Justin, il est Justin.ca.