Le gouvernement Harper a lancé une série de programmes visant à promouvoir l'histoire canadienne, mardi, une annonce de 12 millions de dollars qui a été dénoncée au Québec comme une incursion dans les champs de compétence des provinces.

Le ministre du Patrimoine, James Moore, a profité d'un passage au futur Musée canadien de l'histoire - l'actuel Musée des civilisations de Gatineau - pour annoncer la création d'un Fonds canadien de l'histoire. Cette enveloppe servira à distribuer des bourses aux étudiants et aux professeurs qui manifestent un intérêt pour cette discipline. 

Le gouvernement conservateur lance également une Semaine de l'histoire, qui aura lieu chaque année du 1er au 7 juillet.

Il donnera un coup de pouce à divers programmes et organismes de promotion de l'histoire. En outre, il doublera l'appui fédéral à une initiative de l'Institut Historica-Dominion qui permet à des anciens combattants de relater leur expérience dans les salles de classe. 

Ottawa souhaite enfin restaurer les Minutes du patrimoine diffusées à la télévision. 

L'initiative vise à mettre la table aux célébrations du 150e anniversaire du Canada, en 2017. 

Or, le plan de M. Moore ne fait pas l'unanimité chez les historiens. 

Félix Bouvier, de la Société des professeurs d'histoire du Québec, est le co-auteur de l'ouvrage L'Enseignement de l'histoire au début du XXIe siècle au Québec. Ce professeur à l'Université du Québec à Trois-Rivières estime que le programme dévoilé par le gouvernement conservateur vise avant tout à promouvoir l'unité canadienne. 

Il craint que cette approche ait pour effet de taire les éléments les plus violents ou controversés de l'histoire canadienne, pour mettre en relief des épisodes plus consensuels. 

M. Bouvier note qu'on célèbre cette année le 250e anniversaire du Traité de Paris, qui a scellé la conquête de la Nouvelle-France à l'Angleterre, et qu'aucun événement n'est prévu pour souligner cet épisode. Plus récemment, la parution de l'ouvrage La Bataille de Londres, de l'historien Frédéric Bastien, a forcé la tenue d'une enquête sur les agissements du juge en chef de la Cour suprême dans les mois qui ont précédé le rapatriement de la Constitution, en 1982. 

«Je serais bien surpris qu'il y ait un seul 10 cents des 12 millions qui aille chercher à faire la lumière sur cet épisode», a souligné M. Bouvier. 

À ses yeux, il serait préférable qu'Ottawa verse le quart de son investissement au gouvernement du Québec et que celui-ci s'en serve pour faire la promotion de l'histoire québécoise. 

Empiètement 

L'annonce du ministre Moore a également été dénoncée à Québec. Le ministre péquiste des Affaires intergouvernementales, Alexandre Cloutier, y voit une tentative du fédéral de s'immiscer dans l'éducation des Québécois «par la porte d'en arrière». 

«Le gouvernement fédéral tente d'entrer dans nos écoles secondaires et d'orienter aussi (l'enseignement) avec des bourses qui seront offertes, car on ne connaît pas les critères d'attribution, mais on connaît leur obsession pour la monarchie et les militaires», a déploré M. Cloutier. 

À Ottawa, le chef du Bloc québécois, Daniel Paillé, a abondé dans le même sens. 

«Le gouvernement Harper fait exactement ce que les libéraux ont fait, a dit M. Paillé. Ils veulent réinventer les Minutes du patrimoine. Ça et les commandites, c'est proche, c'est la même chose.» 

M. Moore a maintes fois convenu que l'éducation relève de la compétence constitutionnelle des provinces. Il assure que son gouvernement n'a aucune intention de mettre les pieds dans les salles de classe. Sa stratégie vise plutôt à promouvoir l'histoire en soutenant, par exemple, des organismes communautaires ou des musées. 

«Nous voulons créer davantage d'opportunités pour ceux qui veulent apprendre sur l'histoire canadienne à l'extérieur des salles de classe», a indiqué M. Moore. 

Le Nouveau Parti démocratique estime que le gouvernement Harper aurait pu faire l'économie d'une levée de boucliers au Québec s'il avait consulté les provinces avant de lancer son initiative. 

«S'il y a une chose que le gouvernement conservateur ne fait pas, c'est consulter, a dit le critique néo-démocrate en matière de Patrimoine, Pierre Nantel. Ils ont toujours la science infuse.» 

Le chef libéral Justin Trudeau, lui, s'est montré favorable à l'initiative du gouvernement Harper. 

«En tant qu'ancien professeur, chaque fois qu'on a plus de ressources pour enseigner, c'est une bonne chose, a indiqué M. Trudeau. Surtout lorsqu'il s'agit de quelque chose d'aussi important que notre histoire.» 

- Avec Tommy Chouinard