La Gendarmerie royale du Canada a réclamé et obtenu des documents du Sénat relativement au scandale des allocations de logement réclamées indûment par les sénateurs Mike Duffy, Patrick Brazeau et Mac Harb.

Cette affaire a continué à faire des vagues à Ottawa jeudi, avec de nouvelles déclarations de Mike Duffy et des révélations sur des conversations entre le président d'un comité du Sénat chargé de faire enquête et le cabinet du premier ministre.



Au sujet de la GRC, dans une lettre datée de jeudi le 16 mai dernier, Biage Carrese, l'officier responsable des enquêtes de natures délicates et internationales, a indiqué au greffier du Sénat que la demande était faite « dans le but de déterminer si une enquête criminelle est justifiée ».



Le corps policier a réclamé quatre documents, qui touchent tous aux règles entourant les réclamations de dépenses par les sénateurs. Il s'agit des règlements administratifs du Sénat; des lignes directrices sur les frais de subsistance des sénateurs; des lignes directrices régissant les déplacements des sénateurs dans la région de la Capitale nationale; et du guide des ressources pour les sénateurs, partie IV.



Il a aussi réclamé le calendrier du Sénat pour les 10 dernières années.



Une porte-parole, Clare Shorey, n'a pas voulu indiquer si d'autres organes du Parlement ou du gouvernement fédéral avaient été approchés.



L'attaché de presse de Stephen Harper, Carl Vallée, a affirmé que le cabinet du premier ministre n'avait pas été contacté. « Si la GRC nous fait une telle demande, il est certain que nous allons l'assister », a-t-il déclaré.



La porte-parole de la Gendarmerie royale a expliqué que dans des cas semblables, « la GRC peut décider ou non de lancer une enquête. Si on détermine qu'une enquête n'est pas justifiée, la GRC va informer confidentiellement le plaignant de cette décision. »



« Afin d'assurer l'intégrité de l'enquête et des preuves recueillies et de respecter la confidentialité des personnes impliquées dans le dossier, normalement, on ne fera pas de commentaire durant la tenue de l'enquête », a ajouté Mme Shorey.



Au NPD, où le député Charlie Angus a déjà porté plainte dans cette affaire, on a affirmé qu'il n'avait pas reçu de communication des policiers pour l'informer de l'état de l'enquête.



Duffy réagit



Ces démarches de la GRC surviennent alors que le scandale des dépenses des sénateurs ne cesse de prendre de l'ampleur, ayant forcé la démission de trois sénateurs de leur caucus respectif ainsi que celle, dimanche, du chef de cabinet de Stephen Harper, Nigel Wright.



M. Wright a quitté ses fonctions après avoir indiqué qu'il a signé en mars un chèque personnel de 90 000 dollars afin d'aider Mike Duffy à rembourser les allocations de logement qu'il a empochées au cours des quatre dernières années alors qu'il n'y avait pas droit.



La commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, Mary Dawson, enquête sur les agissements de M. Wright, qui, selon les partis de l'opposition, pourrait avoir violé le Code criminel et la Loi sur le Parlement en offrant un cadeau monétaire à un parlementaire.



De passage au parlement jeudi, le sénateur Duffy a exprimé son désir de continuer à siéger à la Chambre haute comme indépendant. Il a aussi dit vouloir une enquête publique sur l'affaire le concernant. C'est aussi ce que réclame le Parti libéral, qui juge qu'on ne peut plus faire confiance au comité de régie interne du Sénat, qui aurait déjà manipulé les faits dans un rapport concernant cette affaire, et qui a été rendu public il y a quelques jours.



« Nous avons besoin d'une enquête complète et ouverte », a dit M. Duffy.



À noter que la lettre du corps policier est datée du même jour que celui de la démission du sénateur Duffy du caucus conservateur.



Discussions en haut lieu



Par ailleurs, les conservateurs se retrouvent sur la défensive sur un autre front : deux sénateurs conservateurs, David Tkachuk et Carolyn Stewart Olsen ont éliminé de nombreux passages d'un rapport qui critiquaient des dépenses du sénateur Mike Duffy.



Le NPD et le Parti libéral ont sommé les deux sénateurs de préciser qui leur a demandé d'expurger un rapport du comité de régie interne du Sénat avant sa publication.



Mme Stewart Olsen était une proche collaboratrice de Stephen Harper avant d'être nommée au Sénat par le premier ministre en 2009.



Dans une entrevue accordée au magazine Maclean's, ce matin, M. Tkachuk a affirmé avoir discuté de l'affaire Duffy avec Nigel Wright, mais que ce dernier n'a exercé aucune pression.



« Il ne m'a pas dit de faire quoi que ce soit, vraiment. Nous avons discuté du cas de Mike et la situation dans laquelle il se trouvait. Le bureau du premier ministre était très préoccupé par tout cela. Il n'aime pas ce scandale. Cela nous faisait mal sur le plan politique. Je n'aimais pas cela non plus, mais il  (Nigel Wright) ne m'a jamais dit de purger le rapport de quoi que ce soit », a affirmé M. Tkachuk, qui est en convalescence à sa résidence en Saskatchewan.



Le Parti libéral soutient que nombreuses questions demeurent sans réponse et souhaite faire témoigner devant un comité parlementaire les principaux acteurs de ce scandale, dont Nigel Wright, Benjamin Perrin, ancien conseille juridique de Stephen Harper, le premier ministre lui-même et son nouveau chef de cabinet, Ray Novak.



Les députés conservateurs pourraient toutefois bloquer l'adoption d'une motion lundi prochain permettant de convoquer ces témoins.



Harper plaide l'ignorance



De passage à Lima, mercredi, le premier ministre Stephen Harper a indiqué qu'il n'était pas au courant que son ancien chef de cabinet avait fait preuve d'une telle générosité envers le sénateur Duffy avant que l'affaire ne fasse les manchettes dans les médias et qu'il aurait bloqué cette démarche s'il en avait été informé.



M. Duffy a démissionné du caucus conservateur la semaine dernière dans la foulée de ces révélations. La sénatrice Pamela Wallin, dont les frais de déplacement font l'objet d'une enquête depuis plusieurs semaines, a aussi quitté le caucus,



Deux autres sénateurs indépendants - l'ancien conservateur Patrick Brazeau et l'ancien libéral Mac Harb - ont aussi empoché des allocations de logement de plusieurs dizaines de milliers de dollars alors qu'ils n'y avaient pas droit. Ils ont été sommés par les autorités du Sénat de rembourser cette somme, mais ils contestent cette décision.