Les pays qui sont «sérieux» dans leur volonté de s'attaquer aux changements climatiques doivent être en mesure de savoir quels carburants sont les plus polluants, n'en déplaise au Canada et à son industrie des sables bitumineux.

C'est la rebuffade de la commissaire européenne à l'Action pour le climat, Connie Hedegaard, aux deux ministres conservateurs qui ont terminé la semaine une tournée en Europe pour dénoncer la fameuse «directive sur la qualité des carburants».

Si elle est adoptée telle quelle, cette politique classerait le brut dérivé des sables bitumineux dans une catégorie plus polluante que le pétrole classique. Ce classement aurait pour effet de décourager son utilisation sur le Vieux Continent.

Dans une entrevue accordée à La Presse de Bruxelles, Connie Hedegaard soutient qu'il faut encourager l'utilisation de carburants qui sont moins polluants.

«Je pense que tous les pays qui sont sérieux dans leur volonté de combattre les changements climatiques arriveraient à la même conclusion: il faut réduire les émissions dans tous les secteurs, y compris le carburant.»

Les membres de l'UE se sont donné des «cibles contraignantes» pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) et il n'est pas question de les rater.

«Nous ne fonctionnons pas comme cela en Europe», dit-elle.

Une mesure dissuasive

La proposition européenne classe le carburant produit à partir des sables bitumineux dans la catégorie du «bitume naturel». La production de ce type de pétrole génère 22% plus de gaz à effet de serre que du carburant classique, selon le classement actuel.

Comme les fournisseurs d'essence européens doivent réduire leurs émissions de 6% d'ici 2020, cette directive rendrait le brut canadien beaucoup moins attrayant pour les raffineurs.

Les ministres des Ressources naturelles, Joe Oliver, et de l'Envrionnement, Peter Kent, ont tous deux séjourné en Europe la semaine dernière. M. Oliver a menacé de porter plainte à l'Organisation mondiale du commerce pour combattre la directive sur les carburants, accusant les décideurs européens de «discriminer» le pétrole canadien. Il a notamment soutenu que la proposition ne repose sur aucune base scientifique.

C'est pourtant tout le contraire, rétorque la commissaire Connie Hedegaard.

«Un grand nombre d'études démontrent que des carburants non conventionnels polluent davantage que les carburants conventionnels, dit-elle. C'est ce que nous faisons en Europe, nous basons nos politiques sur la science, sur les connaissances qui sont disponibles.»

Rien contre le Canada

Elle soutient par ailleurs qu'il n'a jamais été question de viser spécifiquement le pétrole canadien. Aucun pays membre de l'Union européenne ne souhaite un conflit avec le Canada, dit-elle.

«C'est absolument, totalement dénué de fondement de soutenir que cette mesure vise précisément le Canada, c'est faux, a-t-elle affirmé. La mesure peut aussi viser des pétroles non conventionnels provenant du Venezuela ou de n'importe où.»

Le gouvernement Harper a promis de serrer la vis à l'industrie pétrolière au cours des prochains mois. Il compte imposer des normes d'émissions beaucoup plus serrées.

Si ces mesures réduisent les émissions des producteurs de pétrole canadiens, la cote du brut dérivé des sables bitumineux pourrait changer, a indiqué Mme Hedegaard. Mais elle précise du même coup qu'un «écart important» subsiste entre les émissions liées à la production des pétroles classiques et non classiques.