Ottawa essaie de vendre aux Québécois un produit qui n'existe pas encore et qui risque fort de ne jamais exister au Québec. Et l'exercice vient avec une facture salée pour les contribuables.

Entre deux passes de Sidney Crosby ou de Kristopher Letang, ou après un arrêt particulièrement réussi de Craig Anderson, l'annonce publicitaire s'empare de votre écran de télévision. Et c'est comme ça depuis le début des séries éliminatoires de la LNH.

On y voit un jeune ouvrier se servir un café pendant qu'une voix lui annonce que le gouvernement du Canada travaille avec les entreprises et les provinces pour lui offrir de la formation. Et, sur des images de chantiers maritimes et de gros camions, s'affiche la phrase: «Subvention canadienne pour l'emploi 15 000$ ou plus».

Mais voilà, ce programme, promis au budget fédéral de mars dernier, n'est pas encore sur pied. Pire, Québec n'a aucune intention de permettre sa mise en place. Le gouvernement conservateur veut que ce programme remplace les ententes sur la formation de la main-d'oeuvre qui viennent à échéance en 2014. Ottawa offrirait 5000$ par travailleur à former à condition que la province en mette autant et qu'une entreprise fasse de même.

À Québec, on rappelle qu'on ne veut pas de ce programme.

«Ce programme prive le Québec d'un financement annuel de 70 millions $ et exclut les PME et les personnes éloignées du marché du travail», s'indigne la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Agnès Maltais, dans un courriel.

«Les publicités qui circulent quant à la subvention canadienne pour l'emploi sont la preuve patente de la mauvaise foi du gouvernement fédéral. D'un côté, le gouvernement fédéral dit vouloir «négocier» une réforme des ententes sur le marché du travail avec les provinces, mais, de l'autre côté, il lance des publicités vantant la subvention canadienne à l'emploi», poursuit-elle.

Au ministère fédéral des Ressources humaines et du Développement des compétences, on maintient qu'Ottawa négociera de nouvelles ententes de formation de la main-d'oeuvre avec les provinces et les entreprises pour 2014-2015. On n'explique pas pourquoi Ottawa fait déjà de la publicité alors qu'on est loin d'une entente.

Publicité «trompeuse»

Un politologue de l'Université Queen's, spécialiste en publicité politique, estime que cette publicité télévisée est «trompeuse».

«Les publicités du gouvernement doivent elles aussi obéir au Code canadien des normes de la publicité et je crois que celle-ci échoue largement aux tests d'exactitude et de clarté», dit Jonathan Rose.

Le gouvernement fédéral refuse de dire combien coûte cette campagne publicitaire, payée par les contribuables.

«Malheureusement, les chiffres (que) vous demandez ne sont pas encore disponibles publiquement. Alors, ce que je vous recommande de faire (...) pour obtenir les chiffres de la province du Québec, (c'est) une demande d'accès à l'information», a offert une porte-parole du ministère fédéral.

Pareille demande prend des mois à aboutir. Il n'est pas exagéré d'estimer la facture à plusieurs centaines de milliers de dollars. Un message publicitaire de 30 secondes, pendant les éliminatoires de la LNH, peut coûter jusqu'à 95 000$.