Le gouvernement conservateur de Stephen Harper a franchi le cap des sept ans de pouvoir au début de l'année en montrant des signes d'essoufflement.

Et depuis quelques semaines, les mêmes questions reviennent sur les lèvres des observateurs de la scène politique et des stratèges de tous les partis: les conservateurs ont-ils perdu leurs repères? L'usure du pouvoir est-elle en train de faire son oeuvre à Ottawa? Quand Stephen Harper donnera-t-il un coup de barre pour stopper l'érosion des appuis qu'il a récoltés deux ans après avoir réussi à faire élire un gouvernement majoritaire?

«Le cabinet conservateur montre des signes de fatigue. Le premier ministre aurait été sage de le remanier il y a quelques mois», a lancé la semaine dernière Keith Beardsley, un ancien chef de cabinet adjoint de Stephen Harper.

Les exemples de dérapages se multiplient depuis quelques mois. Deux ministres - John Duncan et Peter Penashue - ont été contraints de démissionner en quelques semaines. Le premier, titulaire des Affaires indiennes, a remis sa démission en février.

Le deuxième, responsable des Affaires intergouvernementales, a démissionné en mars. M. Penashue a aussi démissionné de son poste de député de Labrador, forçant la tenue d'une élection partielle qui aura lieu aujourd'hui et pour laquelle il se présente à nouveau comme candidat conservateur. Les électeurs de Labrador s'apprêtent toutefois à le rejeter massivement et à élire la candidate libérale Yvonne Jones.

Le gouvernement Harper a aussi réussi à faire l'unanimité contre lui dans cinq provinces - Québec, Nouveau-Brunswick, Île-du-Prince-Édouard, Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve - en imposant sa réforme controversée de l'assurance-emploi.

Québec a tenté de faire reculer Ottawa, mais sans succès. Le gouvernement Marois a répliqué en créant une commission nationale d'examen chargée d'étudier les conséquences de cette réforme sur l'économie des régions. Les premiers ministres des quatre provinces atlantiques - deux conservateurs, un libéral et un néo-démocrate - ont récemment annoncé un front commun pour dénoncer cette réforme.

Sur le plan de la gestion des finances publiques, une série de faux pas a commencé à égratigner l'image de bons gestionnaires que cultivent les conservateurs depuis leur arrivée au pouvoir:

- 12 milliards ont été consacrés à la lutte contre le terrorisme entre 2001 et 2009, mais on ignore à quoi ont servi 3 milliards de cette somme, selon un récent rapport du vérificateur général;

- Le gouvernement Harper a dépensé 113 millions en annonces publicitaires pour faire la promotion de ses budgets depuis 2009. Les partis de l'opposition estiment qu'il s'agit de publicité partisane payée par les contribuables;

- Le gouvernement conservateur a dépensé 23 millions en frais de surveillance des médias au cours des deux dernières années afin de savoir ce qu'on rapporte au sujet des députés conservateurs.

Des députés conservateurs ont aussi commencé à contester l'emprise qu'exerce sur eux le bureau du premier ministre. Une dizaine de députés ont d'abord dénoncé en mars la mainmise du premier ministre sur les déclarations qu'ils prononcent en Chambre. Ensuite, une douzaine d'autres ont carrément refusé d'envoyer, aux frais des contribuables, un dépliant à leurs commettants qui attaquait la crédibilité de Justin Trudeau.

Remaniement

En baisse dans les sondages, confronté à une opposition coriace du NPD et à un Parti libéral dirigé par un jeune chef charismatique, Stephen Harper compte remanier son cabinet durant l'été afin de faire de la place à du sang neuf. Rendu à mi-mandat, il compte aussi proroger le Parlement afin de présenter un nouveau discours du Trône en septembre.

En proposant une équipe renouvelée et de nouvelles priorités à deux ans des prochaines élections, Stephen Harper souhaite contrer l'usure du pouvoir qui s'installe peu à peu. Le premier ministre est sans doute conscient qu'il s'agira probablement de la dernière occasion de faire une nouvelle impression avant le prochain scrutin et qu'il ne doit pas gaspiller cette carte.