La méconnaissance profonde des Canadiens de certains événements historiques, en particulier la guerre de 1812, a convaincu le gouvernement Harper qu'un examen détaillé des normes et des cours d'histoire offerts dans les écoles de chaque province pourrait être utile.

Plusieurs ministres conservateurs, au premier rang le ministre du Patrimoine James Moore, sont sidérés de voir que les efforts du gouvernement Harper pour souligner des événements tels que le bicentenaire de la guerre de 1812 se déroulent dans la quasi-indifférence.

Ils sont aussi interloqués de constater la faible connaissance de certains aspects de l'histoire du pays alors que le gouvernement fédéral s'apprête à marquer le 150e anniversaire de fondation du Canada, selon des informations obtenues par La Presse. D'autres événements seront d'ailleurs soulignés d'ici là, dont les Conférences de Charlottetown et de Québec (150e en 2014), le 200e anniversaire de la naissance de John A. Macdonald, le tout premier premier ministre du pays (il était aussi conservateur), entre autres.

Le ministre James Moore avait laissé libre cours à sa déception à ce sujet durant un passage devant le comité du patrimoine de la Chambre des communes en octobre dernier.

«Il y a encore beaucoup de Canadiens qui ne se voient pas comme membres à part entière de la famille canadienne. Je crois que nous devons faire mieux de ce côté. Je pense que cette situation est attribuable en partie au fait que nous n'enseignons pas l'histoire, ou du moins, que nous n'enseignons pas une version pancanadienne de notre histoire», avait dit Moore au cours de son témoignage.

«Nous examinons certaines propositions très ambitieuses concernant l'enseignement de l'histoire du Canada. J'en aurais davantage à dire à ce sujet à l'avenir», avait ajouté le ministre.

Un examen complet souhaité

Les députés conservateurs du comité du patrimoine ont commencé à mettre à exécution les «propositions très ambitieuses» du ministre cette semaine en adoptant, contre la volonté des députés du NPD et du Parti libéral, une motion donnant le mandat au comité d'entreprendre «un examen complet d'aspects importants de l'histoire du Canada».

Bien que l'éducation soit une compétence qui relève des provinces, le comité doit aussi préparer «un compte rendu comparatif détaillé des normes pertinentes et des cours offerts dans les écoles primaires et postsecondaires de chaque province et territoire».

Il doit aussi faire un «examen des programmes fédéraux, provinciaux et municipaux destinés à préserver notre histoire et notre patrimoine», selon les détails de la motion publiés sur le site du comité. Il fera également une analyse portant sur l'histoire militaire du pays et les guerres auxquelles le Canada a participé, ainsi que sur certaines périodes-clés de l'histoire comme les débuts de la Confédération, l'évolution constitutionnelle, le Canada au début et à la fin du XXe siècle.

Une compétence provinciale

Cette décision des conservateurs a provoqué une levée de boucliers aux Communes et au Québec. Les partis de l'opposition ont accusé le gouvernement Harper de vouloir s'immiscer dans un champ de compétence des provinces et de chercher à réécrire l'histoire à sa façon. Le gouvernement Marois a aussi condamné cette initiative, rappelant fermement que l'éducation est de son ressort.

De passage à Québec, hier, le premier ministre Stephen Harper a rejeté les critiques. «Notre gouvernement n'a aucune intention de dire aux provinces comment enseigner l'histoire. Nous n'avons pas le pouvoir et nous n'avons pas la volonté de le faire. Évidemment, comme parlementaires, nous avons intérêt à promouvoir une connaissance de l'histoire canadienne», a-t-il dit.

Mais ces propos n'ont pas rassuré le NPD et le Bloc québécois. «Le programme d'histoire est décidé par chacune des provinces. Il n'y a aucune raison pour que le comité du patrimoine étudie cette question. Si ça ne débouche à rien, c'est une perte de temps. Et si les conservateurs désirent l'imposer aux provinces, bien, à ce moment-là, ça va être extrêmement problématique», a affirmé le député néo-démocrate Guy Caron.

«C'est une intrusion flagrante en éducation, a tonné le bloquiste André Bellavance. On a des craintes qui sont fondées. Ce gouvernement conservateur nous a habitués, dans son idéologie, à vouloir imposer sa vision des choses et c'est particulièrement préoccupant quand il s'agit d'histoire.»