Les libéraux doivent se méfier des sondages qui leur font miroiter un retour au pouvoir dans un proche avenir, prévient le chef intérimaire du Parti libéral du Canada (PLC), Bob Rae.

Tandis que les sympathisants et membres du Parti libéral s'apprêtent à élire un nouveau chef et que plusieurs sondages laissent entrevoir une hausse marquée des appuis aux libéraux chez les Canadiens, M. Rae soutient qu'il reste beaucoup de travail à faire avant d'envisager une victoire électorale.

À la barre du PLC depuis la cinglante défaite des libéraux aux élections du 2 mai 2011, M. Rae a pu observer l'état de l'organisation du parti au cours des derniers mois en sillonnant le pays. Son constat: la machine électorale du parti n'a pas retrouvé ses forces d'antan.

Selon lui, l'organisation déficiente des troupes libérales sur le terrain a vraisemblablement empêché le candidat libéral Harvey Locke de rafler la victoire lors de l'élection partielle dans Calgary-Centre, remportée par une faible avance par la conservatrice Joan Crockatt.

«Le travail est loin d'être terminé. Nous ne devons pas devenir complaisants, même s'il y a de bons sondages. Il faut que les gens reconnaissent qu'il y a encore beaucoup de défis à relever. [...] Je pense que j'ai une bonne idée de ce qui se passe sur le terrain aujourd'hui», a affirmé M. Rae dans une entrevue accordée à La Presse.

C'est d'ailleurs un message qu'il veut transmettre au prochain chef qui sera élu le 14 avril, soit dans une semaine. Il souhaite rencontrer celui qui aura la tâche de mener les libéraux aux prochaines élections le plus rapidement possible.

Un sondage publié hier par la firme Ipsos Reid accordait 32% des intentions de vote au Parti libéral s'il était dirigé par Justin Trudeau, 31% au Parti conservateur et 27% au NPD. Un autre sondage publié le mois dernier donnait une avance plus importante encore aux libéraux, soit 39%, contre 32% au Parti conservateur et seulement 20% au NPD.

Mais ces sondages ne voudront rien dire en 2015, date des prochaines élections.

«Le verre est à moitié plein. Ça va mieux maintenant. Les finances du parti sont dans de meilleures conditions. La participation est beaucoup meilleure. Mais en même temps, on doit dire qu'il y a tout un travail d'organisation qui doit encore être fait. Notre pouvoir d'organisation, à mon avis, n'est pas optimal. L'indice le plus clair à ce sujet a été l'élection partielle de Calgary», a dit M. Rae.

Grâce à son expérience et à son sens du devoir, M. Rae a pu maintenir l'unité et une certaine cohésion au sein du Parti libéral depuis la défaite de 2011. Au dernier scrutin, les libéraux dirigés par Michael Ignatieff n'ont remporté que 34 sièges (ils en comptent maintenant 35 avec la défection de la néo-démocrate Lise Saint-Denis l'an dernier) et récolté que 18,9% des suffrages - le pire score dans l'histoire du parti.

En entrevue, M. Rae a soutenu que le prochain chef doit prendre acte de ce qui n'a pas fonctionné aux dernières élections et adopter les moyens qui s'imposent pour corriger le tir avant le prochain rendez-vous électoral.

Le prochain chef sera élu le 14 avril. Tout indique que Justin Trudeau remportera la course à la direction. Aujourd'hui, à Toronto, les six candidats toujours en lice prononceront un discours dans un dernier espoir de convaincre les sympathisants et les membres. Avant ce dernier tour de piste, l'ancien premier ministre Paul Martin s'adressera aux militants présents et on rendra également un vibrant hommage à Bob Rae.

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Ce que Bob Rae a dit...

sur son avenir:

«Je ne sais pas si je vais terminer mon mandat de député. On va voir. Je vais continuer de discuter de près avec le nouveau chef pour savoir ce qu'il veut que je fasse. Il n'est pas exclu que je fasse autre chose avant les prochaines élections.»

sur son rôle:

«Je veux encore continuer de travailler pour le bien de la population. Je suis en bonne santé et j'ai 64 ans. Je n'ai pas l'intention de prendre ma retraite. [...] Je veux rester dans l'arène politique pour donner un peu de courage et d'aide au nouveau chef. Je n'ai pas l'intention d'imiter Jacques Parizeau (et de jouer la belle-mère).»

sur la place du Québec:

«Sans le Québec, ce sera très difficile pour le Parti libéral de former un gouvernement.»