Le compte à rebours est commencé pour les négociations entre le Canada et l'Europe. Si aucune entente n'est signée d'ici la fin du mois de mai, des sources craignent que les élections au Parlement européen l'an prochain reportent la signature d'un accord de libre-échange aux calendes grecques.

Autre source d'inquiétude dans le camp canadien, l'UE devrait également entreprendre en juin des négociations avec les États-Unis en vue de conclure un accord de libre-échange. L'UE ne cache pas son ambition de conclure un accord avec la première économie mondiale depuis longtemps et s'est félicitée en février lorsque le président américain Barack Obama a donné le feu vert à des négociations.

Les pourparlers avec le Canada pourraient ainsi se trouver affectés par le début des négociations entre Bruxelles et Washington.

Selon des informations qui circulent à Ottawa, mais qui n'ont pas été confirmées par le bureau du premier ministre, Stephen Harper aurait même une ébauche d'entente sur son bureau, mais il ne serait pas prêt à la signer telle qu'elle est actuellement.

«Je ne suis pas en mesure de confirmer cette information», a déclaré hier Carl Vallée, un porte-parole du premier ministre Harper, au sujet de l'ébauche d'entente qui aurait été soumise à son patron.

«Ceci dit, notre gouvernement ne signera pas d'entente tant et aussi longtemps que nous ne sommes pas persuadés que c'est dans notre meilleur intérêt national», a ajouté M. Vallée.

Les négociateurs canadiens et européens doivent se rencontrer à Bruxelles afin de faire le point sur les discussions.

La question de l'accès de l'industrie canadienne du boeuf aux marchés européens, notamment, continuerait de poser problème. Des pays comme l'Irlande ou la France s'opposeraient à une ouverture trop grande aux produits qui proviennent en bonne partie de l'Ouest canadien.

«Stephen Harper ne pourra pas signer une entente qui n'accorderait pas un accès satisfaisant au marché européen aux producteurs de boeuf, qui sont majoritairement en Alberta», a-t-on indiqué.

Compte à rebours

Mais selon plusieurs sources, le temps commence à presser si le gouvernement canadien souhaite que l'accord de libre-échange qu'il a décrit comme étant le plus ambitieux de son histoire se concrétise.

La signature d'un accord commercial entre le Canada et l'Union européenne serait vraisemblablement suivie par une révision juridique et la traduction de la version définitive dans les 23 langues de l'institution, avant d'être soumise aux élus pour débats et approbation. Le processus pourrait prendre plusieurs mois, estiment ces observateurs.

Or, les prochaines élections du Parlement européen se tiendront en mai 2014. Et rien ne garantit que la prochaine cohorte d'eurodéputés sera favorable à la libéralisation commerciale proposée dans ce type d'ententes.

«Si ce n'est pas finalisé d'ici la fin du mois de mai, alors il y aura des problèmes. Et une intervention (du premier ministre Harper) est sans doute nécessaire», a lancé une source favorable à la conclusion d'un accord, et qui

a requis l'anonymat.

La situation place donc Stephen Harper dans une position délicate. Il a promis à plusieurs reprises, incluant dans le dernier discours du Trône et lors de la dernière campagne électorale, de conclure un accord de libre-échange avec l'Europe.

«Le gouvernement est presque dans une ligne droite pour les prochaines élections dans deux ans et effectivement, son dossier économique pourrait être plutôt faible. S'il ne livre pas ses deux grandes réalisations, le déficit et l'accord avec l'Europe, on va dire: «Attention! ça ne fonctionne pas» », estime Mathieu Arès, professeur d'économie politique internationale à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke.