De nombreux Canadiens ont envoyé un courriel au premier ministre Stephen Harper pour exprimer leur inquiétude au sujet de l'avenir du pays dans la foulée de la victoire du Parti québécois (PQ) de Pauline Marois aux élections provinciales de septembre dernier.

Chargé de répondre à chacun de ces courriels au nom du premier ministre, le ministre des Affaires intergouvernementales, Peter Penashue, a tenté de rassurer ces Canadiens inquiets en énumérant certaines politiques du gouvernement Harper qui, selon lui, favorisent l'unité nationale.

Mais M. Penashue, qui a démissionné il y a trois semaines après avoir reconnu qu'il avait empoché des dons illégaux durant la dernière campagne électorale, évite soigneusement, dans sa lettre générique, de faire référence à la Loi sur la clarté dans ses réponses, selon des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Adoptée par le gouvernement libéral de Jean Chrétien en 2000, la Loi sur la clarté est vue par certains experts comme un outil favorisant l'unité nationale, puisqu'elle impose certaines balises pour toute nouvelle démarche référendaire.

Entre autres, la loi stipule que Québec doit obtenir une réponse claire à une question claire pour provoquer des négociations portant sur la sécession de la province. La majorité requise pour enclencher des négociations n'est cependant pas incluse dans cette loi.

«Fédéralisme d'ouverture»

Dans une lettre typique de cinq paragraphes envoyée aux quelque 50 Canadiens qui ont fait parvenir un courriel au premier ministre dans les jours suivant la victoire du PQ, M. Penashue soutient que le gouvernement conservateur s'assure de respecter les compétences des provinces et de «tenir compte des caractéristiques propres de chaque province».

«Notre approche pragmatique est fondée sur des principes et nous permet de renforcer l'unité du pays. À titre d'exemple, le gouvernement du Canada offre des paiements de transfert stables et prévisibles aux provinces, ce qui leur permet de s'acquitter de leurs responsabilités tout en respectant leur droit d'élaborer des politiques qui répondent aux besoins de leurs populations», écrit M. Penashue.

Il ajoute que le gouvernement Harper continuera de pratiquer ce qu'il qualifie de «fédéralisme d'ouverture» et de travailler de concert avec les provinces.

Une loi, quatre visions

À la rentrée parlementaire, le Bloc québécois a déposé un projet de loi pour abroger la Loi sur la clarté, prétextant que la Chambre des communes a reconnu en 2006 que les Québécois forment une nation et que seule une nation peut statuer sur son avenir. Sentant que cette manoeuvre pourrait diviser son parti, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair, a proposé un projet de loi de son propre cru. Celui-ci modifie la Loi sur la clarté en précisant qu'une majorité de 50% plus un est suffisante. Les libéraux ont condamné ces deux manoeuvres aux Communes, tandis que les conservateurs ont soutenu que le gouvernement avait d'autres chats à fouetter que de rouvrir ce dossier.

Interrogé au sujet du contenu de la lettre du ministre des Affaires intergouvernementales, hier, Carl Vallée, porte-parole du bureau du premier ministre, a indiqué que le gouvernement Harper tient mordicus à ne pas relancer les «vieilles chicanes» qui ont marqué l'histoire politique du pays. Selon lui, la Loi sur la clarté fait partie de ces vieilles chicanes.

«Nous croyons que les Québécois, les Canadiens sont tannés des vieilles chicanes constitutionnelles et de ces débats stériles qui divisent. Notre gouvernement va demeurer concentré sur la création d'emplois, la croissance et la bonne gestion de l'économie», a affirmé M. Vallée.

«En ce sens, nous continuerons de travailler avec le gouvernement du Québec sur nos objectifs communs et nous continuerons à pratiquer un fédéralisme respectueux des champs de compétence des provinces. Contrairement au NPD, nous n'allons pas jouer à des jeux politiques sur une question comme celle-ci dans l'espoir de faire des gains politiques dans certaines régions du pays», a-t-il ajouté.

- Avec William Leclerc