Le Canada ne devrait pas limiter son programme de logement pour les sans-abris aux personnes souffrant de problèmes psychiatriques ou celles se retrouvant fréquemment dans la rue, ont indiqué des experts américains en la matière.

Trois sommités américaines, ayant mené avec brio ces dix dernières années l'approche «Housing First» de l'administration américaine, se trouvent à Ottawa ces jours-ci afin de partager avec le gouvernement fédéral leurs connaissances sur le sujet. Les conservateurs ont récemment choisi d'adopter cette même stratégie, qui vise à offrir un toit à ceux dans le besoin rapidement, sans obligations et sans que trop de questions ne leur soient posées.

Une telle approche fera épargner des dollars au gouvernement canadien, à condition qu'elle soit appliquée avec soin, ont indiqué les experts de cette stratégie. Il faudrait ainsi, selon ces spécialistes, qu'Ottawa élargisse son programme à différents types de catégorie de personnes sans logement, et pas seulement qu'à celles se retrouvant fréquemment à la rue ou encore touchées par de sérieux problèmes de santé mentale.

«Le principe peut être appliqué à d'autres tranches de la population», a indiqué Nan Roman, président de l'Alliance nationale pour mettre fin à l'itinérance, une organisation basée à Washington.

M. Roman était de passage à Ottawa avec ses collègues Barbara Poppe, directrice générale du Conseil pluridisciplinaire des États-Unis sur l'itinérance et Mark Johnston, du Bureau du développement et de la planification communautaire. Ils se sont entretenus avec de hauts fonctionnaires du ministère des Ressources humaines, et leur ont expliqué les bons coups et les ratés du programme qu'ils ont élaboré au cours des dix dernières années de l'autre côté de la frontière.

Un projet-pilote lancé il y a cinq ans au Canada et qui s'inspire de l'approche américaine - le programme «Chez Soi» -, a démontré qu'une telle stratégie contribuait réellement à réduire l'itinérance et à réaliser des économies, a soutenu un vice-président de la Commission de la santé mentale du Canada, Cameron Keller.

Prenant de court les militants contre la pauvreté, le dernier budget du gouvernement Harper annonçait le renouvellement sur cinq ans du financement alloué à la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance. On y indiquait également que le programme «Priorité au logement» serait au coeur de cette stratégie.

Le projet-pilote a été conduit dans cinq villes canadiennes, dont Moncton et Montréal, et consistait essentiellement à trouver et payer des logements aux personnes avec des problèmes de santé mentale, pour ensuite les diriger vers tous les services sociaux nécessaires pour qu'elles soient en mesure de garder leur nouveau foyer. «Chez Soi» s'est traduit par un taux de réussite de 85 pour cent, convaincant la ministre des Ressources humaines, Diane Finley, de renouveler l'aide allouée au programme.

Or, les bénéfices retirés d'un hébergement stable pour les familles sans foyer, et qui n'ont pas les moyens de s'offrir un toit, sont énormes, a plaidé M. Johnston. «Si vous ne vous attardez qu'aux sans-abris «réguliers', vous perdrez du soutien politique», a-t-il prévenu.