Selon le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation, la décision controversée du gouvernement Harper d'éliminer la version longue du formulaire de recensement et sa négociation d'un traité de libre-échange avec l'Union européenne nuiront à la lutte contre la pauvreté au Canada.

Ces observations figurent dans un rapport qu'Olivier De Schutter présentera lundi à Genève à l'occasion d'une réunion du Conseil des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies (ONU).

Le rapport exhorte Ottawa à créer une stratégie nationale d'alimentation pour combattre la faim chez un nombre grandissant de groupes vulnérables, dont les autochtones et les gens sur l'assistance sociale qui peinent à joindre les deux bouts. Cette stratégie devrait, selon le responsable, englober les niveaux de gouvernements municipal, provincial et fédéral.

Dans son rapport, M. De Schutter attaque aussi des éléments centraux du programme du gouvernement Harper, disant qu'ils bloquent l'accès à l'alimentation.

Ceux-ci incluent la décision d'éliminer la version longue du formulaire de recensement, les négociations en cours pour un accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, la réforme de la Commission canadienne du blé et la façon dont Ottawa supervise les fonds qu'il transfère aux provinces pour les services sociaux.

L'élimination du formulaire long de recensement empêche Statistiques Canada de compiler un portrait analytique du pays, selon le rapport, qui note que «pour combattre la faim, l'insécurité alimentaire et la malnutrition, il est nécessaire d'avoir une compréhension exhaustive de qui a faim, qui souffre d'insécurité alimentaire et qui est mal nourri».

M. De Schutter critique aussi l'élimination du Conseil national du bien-être social, qu'il décrit comme «un forum pour la collecte de données et la comparaison de taux d'assistance sociale au travers du pays».

Le rapporteur est également d'accord avec les critiques de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, que le gouvernement espère finaliser d'ici la fin de l'année.

Il indique que des initiatives pour promouvoir l'alimentation et la nutrition et les marchés locaux, comme des celles pour promouvoir l'achat local, pourraient être affectés de façon négative avec cet accord. Il critique également la disposition de l'accord selon laquelle les municipalités ne pourront plus privilégier les biens et services locaux ou Canadiens pour des contrats de plus de 340 000$.

M. De Schutter critique aussi le gouvernement pour avoir mis fin au monopole de la Commission canadienne du blé. Il se prononce fermement en faveur du système de gestion de l'offre en vigueur pour les produits laitiers, la volaille et les oeufs, qui est un point de contentieux pour un éventuel accord de libre-échange avec le Partenariat transpacifique.

Le rapport sert en quelque sorte de réplique aux critiques acerbes et personnelles de la part de ministres du cabinet Harper envers M. De Schutter lors de sa mission d'enquête de 11 jours au Canada en mai dernier.

La ministre de la Santé, Leona Aglukkaq, avait déclaré que M. De Schutter était «mal informé» et «condescendant», tandis que le ministre de l'Immigration, Justin Kenney, dit de lui qu'il était «complètement ridicule».

Photo: AFP

Olivier De Schutter