Le gouvernement fédéral rendra publique d'ici quelques jours sa réforme du programme de marijuana médicale, a appris La Presse. Les changements proposés pourraient être vivement dénoncés par des associations de médecins et des détenteurs de permis de production de cannabis.

Le projet de règlement qui sera publié samedi dans la partie I de la Gazette du Canada pourrait interdire la production de cannabis à des fins médicales par des particuliers. Des règles plus strictes seraient adoptées pour réserver la production et la distribution à des entreprises accréditées.

Autre changement: le ministère de la Santé pourrait se retirer totalement de l'équation, pour laisser l'entière responsabilité de la prescription de la drogue aux médecins. Ces derniers contestent cette approche: selon eux, la marijuana médicale n'a pas fait l'objet des mêmes recherches que les médicaments homologués au Canada. Ils se plaignent donc d'un manque d'information sur des éléments comme les effets secondaires ou la posologie.

«Il ne serait ni prudent ni responsable de proposer des modifications réglementaires qui contournent la nécessité d'imposer des normes réglementaires plus robustes à ce programme», a écrit hier la présidente de la Fédération des ordres des médecins du Canada dans une lettre ouverte adressée à la ministre fédérale de la Santé.

Consultations publiques

À ces préoccupations, le bureau de la ministre Leona Aglukkaq répond qu'un groupe d'experts a récemment été mis sur pied afin de rendre le plus d'information possible disponible aux médecins. «Ils aident actuellement le Ministère à rédiger la documentation qui sera partagée avec eux», a précisé Steve Outhouse, directeur des communications de Mme Aglukkaq.

Le gouvernement Harper a amorcé des consultations publiques sur cette réforme il y a plusieurs mois, dans la foulée d'une décision de la Cour supérieure de l'Ontario, qui a jugé que le programme canadien de marijuana médicale était inconstitutionnel. Cette cause a été portée en appel. La réglementation finale devrait être adoptée dans les mois qui suivront sa publication dans la Gazette officielle.

Actuellement, pour obtenir de la marijuana médicale, un patient doit demander à un médecin d'attester qu'il souffre bel et bien d'un trouble de santé lui donnant accès au programme. Le patient se tourne ensuite vers Santé Canada, qui lui donne l'autorisation de se procurer la drogue en question. Il existe deux manières de s'approvisionner légalement en marijuana médicale: auprès de Santé Canada, d'abord, qui l'envoie par la poste; ou en obtenant l'autorisation d'en produire (soi-même ou par quelqu'un d'autre).

Au Canada, près de 20 000 personnes auraient actuellement un permis de production. Plus de 25 000 en ont un de possession.

Le ministère de la Santé affirme que des municipalités, des policiers et des pompiers se sont plaints des dangers liés à une production trop répandue de cannabis médical.

Mais aux yeux de Marc-Boris Saint-Maurice, Montréalais qui milite depuis longtemps pour légaliser la marijuana, le gouvernement cherche d'abord et avant tout à en limiter l'accès, à défaut de pouvoir abolir le programme.

«Les gens qui l'utilisent à des fins médicales, qui en ont besoin et qui en cultivent, c'est clair qu'ils vont contester», prédit M. Saint-Maurice.