La ministre de l'Éducation, Marie Malavoy, est « dans l'erreur » lorsqu'elle avance que l'anglais est une «langue étrangère» au Québec, affirme le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser. Il exprime par ailleurs des réserves sur le projet du Parti québécois d'étendre l'application de la loi 101 aux cégeps.

M. Fraser a critiqué plusieurs organismes fédéraux dans son rapport annuel, publié mardi matin, et il a montré du doigt le transporteur Air Canada pour ne pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour offrir des services en anglais et en français.

Il a aussi exprimé son désaccord avec les propos de la nouvelle ministre péquiste de l'Éducation, qui veut mettre un frein à l'enseignement intensif de l'anglais au primaire. Selon lui, Mme Malavoy fait erreur en qualifiant l'anglais de «langue étrangère».

«L'anglais et le français ne sont pas des langues étrangères au Canada, a-t-il dit. Ce sont des langues canadiennes.»

Le commissaire estime que la ministre Malavoy fait la même erreur que certaines universités canadiennes, qui considèrent le français comme une langue étrangère.

M. Fraser a exprimé des réserves face à un autre projet du gouvernement Marois, celui d'appliquer la loi 101 dans les cégeps. Cette mesure aurait pour effet d'interdire à des adultes francophones de suivre des cours collégiaux en anglais.

Aux yeux du commissaire, ce projet ne cadre pas avec l'esprit de la Charte de la langue française, instituée dans les années 70 par l'adoption de la loi 101.

«Je peux constater aussi que cette question a été loin de la pensée de Camille Laurin quand il a conçu la Charte de la langue française, pour la raison que c'est une décision des adultes vis-à-vis leurs choix de formation», a-t-il affirmé.

Compressions

Les compressions budgétaires annoncées le printemps par le gouvernement Harper inquiètent le commissaire Fraser. Il craint que la réorganisation de la fonction publique fasse en sorte que des services gouvernementaux offerts dans des régions bilingues soient transférés dans d'autres régions qui ne le sont pas. Une telle mesure risque de diminuer l'accès aux services en français, craint-il.

«Le plus grand risque, c'est qu'en faisant toute une série de réorganisations, ou des petites coupures, ça va devenir de plus en plus difficile pour les gens de se prévaloir de leur droit d'être servis en français, ou d'avoir la formation linguistique nécessaire, ou de travailler en français», affirme M. Fraser.

Postes Canada et Élections Canada font partie des institutions fédérales qui sont montrées du doigt par le dernier rapport de M. Fraser. Dans les deux cas, le commissaire a reçu plusieurs plaintes de citoyens qui se disaient incapables d'être servis dans la langue officielle de leur choix.

Le commissaire a également montré du doigt Air Canada, soulignant que le transporteur aérien n'a toujours pas mis en oeuvre toutes les recommandations qu'il lui avait formulées dans son rapport de l'an dernier.

À ce jour, son bureau continue de recevoir des plaintes de clients qui sont incapables d'être servis en français lorsqu'ils voyagent avec Air Canada.

Recommandations

Le Canada célébrera bientôt son 150e anniversaire, et le commissaire émet trois recommandations au gouvernement Harper afin de promouvoir les langues officielles.

-Qu'Ottawa adopte des mesures pour que soit doublé le nombre d'étudiants qui prennent part à des échanges linguistiques.

-Que le fédéral collabore avec les provinces pour que les étudiants puissent suivre des cours dans une langue officielle seconde dans les établissements post-secondaires.

-Qu'Industrie Canada incite les entreprises à développer leur capacité à fonctionner et à offrir des services en français et en anglais.

Au total, le commissaire a reçu plus de 600 plaintes, dont 517 ont été jugées « recevable ». De ce nombre, 200 viennent de la région d'Ottawa.

Le rapport révèle que seulement 17% des Canadiens sont bilingues.

Le critique du Nouveau Parti démocratique en matière de langues officielles, Yvon Godin, rappelle que le gouvernement Harper a nommé des unilingues anglophones aux postes de vérificateur général et de juge à la Cour suprême. À ses yeux, les conservateurs n'ont rien fait pour aider le rayonnement des langues officielles.

«Nous avons un ministre des Langues officielles qui ne s'assure pas de faire respecter la loi des langues officielles dans son gouvernement, a dénoncé M. Godin. Le commissaire le dit dans son rapport: les problèmes persistent encore à Air Canada, à Parcs Canada, à Élections Canada, et c'est sans parler de l'aéroport d'Ottawa et du service de sécurité des passagers.»