Le ministre du Patrimoine, James Moore, a été bombardé de plaintes en provenance de citoyens et de groupes religieux dans les jours qui ont précédé l'ouverture d'une exposition éducative sur la sexualité dans un musée fédéral d'Ottawa. Une présentation que le ministre a qualifiée de «gaspillage des fonds publics».



Sexe: l'expo qui dit tout fait la promotion du «satanisme», elle est «dégoûtante», c'est une tentative de «corrompre» les enfants, peut-on lire au fil des dizaines de lettres et de courriels expédiés au ministre, que La Presse a obtenus grâce à la Loi sur l'accès à l'information. Le ministre a reçu une soixantaine de messages entre les 11 et 19 mai, soit la dizaine de jours qui ont entouré le lancement de l'exposition. La très vaste majorité la dénonçait.

Certaines plaintes portent à croire que des tenants de la droite morale, base politique importante du Parti conservateur, voulaient forcer le gouvernement Harper à fermer l'exposition.

«Est-ce que le gouvernement Harper fait dorénavant partie du problème? demande un citoyen. Vous avez peur de discuter de la science de la vie humaine, mais votre musée des sciences ne s'offusque pas de ce comportement désordonné? Votre électorat conservateur a besoin de réponses à de telles questions.»

«Bon nombre d'électeurs qui ont voté pour le Parti conservateur du Canada s'attendent à ce que votre parti protège les valeurs familiales qui subissent constamment les assauts des soi-disant "progressistes" du côté gauche du spectre politique», écrit un autre.

En mai, le ministre Moore a visité l'exposition avant son dévoilement au public, et l'a qualifiée de «gaspillage de l'argent des contribuables».

M. Moore n'a jamais demandé au musée de retirer sa présentation, pas plus qu'il n'a exigé des mesures particulières au sujet de la présentation, précise-t-on au Musée des sciences et de la technologie. Après une consultation avec des parents et des représentants du milieu scolaire, l'institution fédérale a de son propre chef décidé de relever l'âge d'entrée à Sexe et de retirer une vidéo sur la masturbation.

Au bureau du ministre, on affirme que les nombreux messages reçus au sujet de Sexe: l'expo qui dit tout n'ont pas influencé la prise de position de M. Moore. Il a exprimé son opinion personnelle au sujet de l'exposition, explique son attaché de presse, Sébastien Gariépy.

«C'est sain que des gens s'expriment sur des choses qui se passent dans la société», a dit M. Gariépy au sujet de l'abondante correspondance.

Dave Quist, qui dirige l'Institut du mariage et de la famille Canada, est l'un de ceux qui ont écrit à M. Moore. À ses yeux, l'exposition a pour effet de diffuser de la pornographie soft à un auditoire composé d'adolescents. Selon lui, l'institution aurait dû présenter les avantages du mariage et des relations stables plutôt que de présenter la sexualité dans le cadre de relations occasionnelles avec des partenaires multiples.

«Le gouvernement a réagi assez rapidement et indiqué son mécontentement, ce dont je suis satisfait, a indiqué M. Quist. Le musée a entendu les critiques et fait des changements.»

Aux yeux du député libéral Denis Coderre, la droite religieuse exerce trop d'influence au sein du gouvernement Harper.

«Je trouve pour le moins bizarre qu'il y ait eu une réaction immédiate à la suite de cette correspondance», a-t-il observé.

Fréquentation en hausse

Le Musée des sciences et de la technologie du Canada a lui aussi reçu des «centaines» de plaintes, dit son vice-président aux affaires publiques, Yves St-Onge. La même exposition n'avait pourtant pas généré de controverse lorsqu'elle avait pris l'affiche à Montréal et à Regina dans le passé. Mais ce dernier épisode a eu son petit effet sur l'affluence. Les étudiants - clientèle cible de l'exposition - ont été deux fois plus nombreux à franchir les tourniquets de l'exposition par rapport à l'an dernier.

«On a été surpris par l'ampleur des préoccupations et des questions qui ont été soulevées par rapport à l'exposition, admet M. St-Onge. On n'avait pas pensé que ça deviendrait le blockbuster de l'été.»

- Avec la collaboration de William Leclerc