La Cour suprême délibère depuis hier pour déterminer si le député conservateur Ted Opitz pourra garder son siège d'Etobicoke-Centre. Le plus haut tribunal du pays a entendu l'appel du député en matinée, et doit décider si des erreurs dans l'inscription des électeurs suffisent à annuler le résultat d'une élection, selon sa juge en chef.

M. Opitz tente de faire casser un jugement de la Cour supérieure de l'Ontario qui annule son élection. En mai, ce tribunal a déclaré nul le résultat du scrutin dans la circonscription torontoise.

Le candidat libéral défait, Borys Wrzesnewskyj, a contesté le résultat de l'élection, qui s'est décidée par 26 votes.

Le tribunal de première instance a conclu que des dizaines d'électeurs ont voté sans avoir dûment rempli les formulaires d'inscription auprès d'Élections Canada. Certains enregistrements ont aussi été égarés.

Bien qu'il n'ait soupçonné aucun parti d'avoir agi de manière illégale, le juge a estimé que ces irrégularités ont soulevé un doute sur le résultat du scrutin.

Or, a fait valoir l'avocat de M. Opitz, Kent E. Thomson, M. Wrzesnewskyj n'a jamais prouvé que des personnes n'ayant pas le droit de vote ont pu voter malgré tout. Il affirme que le juge ontarien s'est appuyé sur des erreurs de procédure «insignifiantes» pour disqualifier le résultat du scrutin, et non sur des irrégularités avérées.

«Un droit aussi fondamental que celui de voter ne devrait pas tenir à un fil aussi mince», a résumé Me Thomson.

«La chose la plus importante est que tout le monde dans la circonscription ait le droit de vote et de s'assurer que le vote de tout le monde compte», a convenu M. Opitz à sa sortie du tribunal.

Interrogatoire serré

L'avocat de M. Opitz a subi un interrogatoire serré de la part des juges. La juge en chef, Bev McLachlin, a fait valoir que l'appel de M. Opitz tourne autour de l'importance à accorder à des erreurs d'enregistrement dans le cadre d'élections.

«Si cette cour devait tolérer ce type d'erreur d'enregistrement, quel serait l'impact sur la confiance des Canadiens dans le système électoral?», a-t-elle demandé.

Selon M. Wrzesnewskyj, les erreurs commises par les employés d'Élections Canada sont tout sauf sans importance dans une élection qui s'est décidée par une marge aussi mince.

«C'est une occasion pour améliorer notre système, a-t-il indiqué. Nous avons besoin d'avoir confiance en notre système électoral.»

Son avocat, Gavin Tighe, a souligné que les règlements qui encadrent l'inscription des électeurs ne sont pas là par hasard.

«Les règles doivent avoir de l'importance, d'une manière ou d'une autre, a-t-il dit. Elles ne peuvent être tordues pour obtenir un résultat. Si c'est le cas, le système n'a pas d'intégrité.»

Le Parti conservateur s'est trouvé un allié dans sa cause. Élections Canada a signalé à la Cour suprême avoir retrouvé 44 des électeurs qui semblaient inscrits de manière inadéquate.

«Il semble que plusieurs personnes dont le vote a été disqualifié étaient aptes à voter, a dit l'avocat de l'organisme, David Di Paolo. Selon nous, si on est un électeur qualifié, notre vote devrait compter.»

Il craint par ailleurs que la cause serve de prétexte à une cascade de contestations judiciaires au cours des prochaines années. Mais l'ancien directeur d'Élections Canada Jean-Pierre Kingsley n'est pas de cet avis. Selon lui, les frais judiciaires sont beaucoup trop élevés pour que des dizaines de candidats perdants s'adressent aux tribunaux après chaque élection.

Selon M. Kingsley, la décision de la Cour pourrait forcer Élections Canada à revoir de fond en comble la manière dont elle encadre l'inscription des électeurs. «La décision sera très importante pour le processus électoral à l'avenir, a-t-il dit. Elle pourrait faire en sorte que nous devrons avoir des règles très strictes au sujet de la documentation qu'on demande aux électeurs.»

La Cour suprême a jugé la cause si importante qu'elle a interrompu sa relâche estivale pour l'entendre, un événement rarissime.

Si la Cour confirme le jugement initial, M. Opitz sera officiellement démis de ses fonctions. Le premier ministre Stephen Harper aura dès lors six mois pour déclencher une élection partielle.