La possibilité que le Parti québécois reprenne le pouvoir aux prochaines élections provinciales a provoqué une rencontre entre le premier ministre Stephen Harper et l'ancien premier ministre Brian Mulroney, a appris La Presse Canadienne.

La réunion entre le chef conservateur et son prédécesseur s'est tenue en secret dans un hôtel de Montréal la semaine dernière et visait à rétablir les ponts avec le Québec.

Des sources gouvernementales ont également confirmé que Stephen Harper a consulté, la même journée, le premier ministre du Québec, Jean Charest.

La discussion entre MM. Harper et Mulroney reflète le niveau de préoccupation d'Ottawa par rapport au Québec pour forcer une telle réconciliation. Les deux hommes avaient eu un différend important il y a cinq ans et ne s'étaient pas beaucoup parlé depuis.

En 2007, le premier ministre avait en effet coupé les ponts avec Brian Mulroney en raison de ses tractations avec le lobbyiste allemand Karlheinz Schreiber.

La rencontre est survenue quelques jours avant la tenue ce week-end d'un rassemblement conservateur au Québec durant lequel Stephen Harper tentera de redorer le blason de son parti dans la province.

Les efforts de M. Harper pour séduire le Québec ne visent pas seulement à augmenter le nombre de députés conservateurs en sol québécois, qui se situe actuellement à cinq.

La victoire du Parti québécois dans la circonscription d'Argenteuil, qui était un château-fort libéral depuis 46 ans, lors des élections partielles de la semaine dernière laisse entendre que la formation politique de Pauline Marois gagne en popularité aux dépends de celle de M. Charest, mise à mal par le conflit étudiant.

Si le Parti québécois remporte les prochaines élections provinciales et lance un nouveau débat sur l'indépendance de la province, Stephen Harper serait en mauvaise posture pour défendre l'unité nationale.

Les conservateurs sont au plus bas dans les sondages au Québec et le gouvernement libéral provincial n'a aucun porte-parole pouvant parler efficacement au nom des forces fédéralistes.

Dans ces circonstances, il n'est pas surprenant que M. Harper demande l'aide de Brian Mulroney. Ce dernier est encore une personnalité politique respectée dans la province, qu'il connaît probablement mieux que n'importe quel député conservateur actuel, alors que le premier ministre ne semble pas être capable de se débarrasser du stéréotype de «cow-boy de l'Ouest» qui ne comprend rien au Québec.

Les conseils donnés par MM. Mulroney et Charest feront vraisemblablement partie du discours que prononcera M. Harper dimanche dans le cadre d'un barbecue organisé pour la Fête nationale dans la circonscription de l'un de ses députés québécois.

À l'occasion de cette allocution, le chef conservateur rappellera aux Québécois sa promesse d'accorder plus de pouvoirs à la province et son respect pour la place qu'elle occupe au sein de la fédération.

Mais sans machine politique efficace au Québec et avec une année de décisions ayant irrité l'électorat québécois, comme l'abolition du registre des armes à feu et les changements à l'assurance-emploi, la tâche ne sera pas facile.

Les ministres conservateurs croient toutefois que les Québécois finiront par être sensibles à l'image de gouvernement responsable sur le plan économique qu'ils veulent projeter.

Selon le ministre de l'Industrie, Christian Paradis, il s'agit de montrer qui a les intérêts du Québec à coeur.

«Les Québécois vont se tourner vers notre parti, le seul en faveur d'un taux d'imposition faible, le seul qui sait comment gérer une économie de manière prudente et stable, le seul qui croit en un Québec fier et autonome au sein d'un Canada fort, uni et indépendant», a écrit dans un courriel le lieutenant de M. Harper dans la province.

Mais le député conservateur Maxime Bernier reconnaît que transmettre le message constitue un défi de taille pour son parti.

«Il y a des politiques qui ne sont peut-être pas très populaires aujourd'hui, mais qui sont tout de même nécessaires pour la viabilité à long terme de la reprise économique», a-t-il indiqué.

Pour le militant conservateur québécois Peter White, le problème est cependant plus profond.

«Qui au sein du gouvernement fédéral pourra mener le camp du non comme l'a fait (l'ancien ministre libéral) Jean Chrétien lors du dernier référendum?» s'est interrogé M. White, soulignant que personne dans la province ne parlait en faveur de Stephen Harper.

«S'il y a un scrutin opposant M. Harper à Pauline Marois, Mme Marois gagnera haut la main.»