Les municipalités qui abritent des sites historiques peuvent se réjouir, Ottawa devra piger dans ses poches pour leur offrir des indemnités justes et équitables. La Cour suprême du Canada s'est rangée vendredi du côté de la ville d'Halifax dans le litige qui opposait la municipalité au gouvernement fédéral à propos de l'évaluation de la valeur de sa citadelle.

Le jugement unanime pourrait avoir des répercussions dans les coffres d'autres villes du pays, dont ceux de Québec, qui héberge notamment les plaines d'Abraham.

Comme les terrains et les propriétés du gouvernement sont exemptés de taxes municipales, Ottawa offre une compensation financière aux villes en fonction de la valeur foncière de ces lieux. Plus l'évaluation est élevée, plus la ville reçoit d'argent en indemnisations, appelées paiements en remplacement d'impôts (PRI).

Pour le cas de la citadelle d'Halifax, le fossé entre l'évaluation de la ville et celle du fédéral était énorme: Halifax affirmait que l'ensemble du site valait plus de 42 millions de dollars, alors qu'Ottawa l'estimait à 5,3 millions de dollars.

Une partie importante du différend portait sur les valeurs de 42 acres de terrain gazonné (le glacis), qu'Ottawa n'évaluait qu'à 10$ au total. Les magistrats du plus haut tribunal du pays ont tranché que cette évaluation ne tenait pas la route.

«La conclusion qu'un terrain de 42 acres situé en plein coeur d'un grand centre métropolitain n'a aucune valeur aux fins de taxation peut difficilement être considérée juste ou équitable», a écrit le juge Thomas Cromwell.

La Cour a renvoyé l'affaire au ministère des Travaux publics pour qu'il refasse ses devoirs afin d'en arriver à une nouvelle évaluation.

«En adoptant le point de vue selon lequel un lieu historique est sans valeur parce qu'il ne peut être utilisé à des fins commerciales, le ministre est allé à l'encontre de l'intention du législateur d'inclure les lieux historiques dans le régime des PRI», a noté le juge Thomas Cromwell.

«Le ministre ne peut baser son évaluation sur un "système fiscal fictif" qu'il a créé lui-même. C'est toutefois ce qui s'est passé en l'espèce».

La Ville de Québec était partie intervenante dans le dossier, du côté d'Halifax, puisque la valeur foncière des plaines d'Abraham est elle aussi évaluée par le fédéral. Dans son mémoire, Québec avait plaidé que ce n'est pas «parce qu'un bien n'est pas susceptible d'être vendu qu'il n'a pas de valeur».

En première instance, la Cour fédérale s'était rangée du côté de la municipalité. La décision rendue par la Cour d'appel était partagée sur certains aspects, quoique plutôt en faveur d'Ottawa.