Exaspérés par la lenteur du Bureau de régie interne à faire la lumière sur l'affaire Gilles Duceppe, les conservateurs veulent qu'un comité parlementaire soit mandaté pour enquêter sur ce dossier qui traîne depuis plus de 15 semaines.

Les conservateurs entendent déposer sous peu une motion au comité de la procédure et des affaires parlementaires afin qu'il tienne des audiences publiques et que ses membres interrogent les principaux acteurs de ce dossier, a appris La Presse.

«Notre intention est de faire toute la lumière sur cette affaire et nous allons prendre les moyens nécessaires pour y arriver», a indiqué une source conservatrice qui a requis l'anonymat.

Le Bureau de régie interne a ouvert une enquête en février, après que La Presse eut révélé que Gilles Duceppe avait puisé dans le budget de fonctionnement de son bureau parlementaire de chef afin de payer le salaire annuel d'environ 100 000$ du directeur général du Bloc québécois, Gilbert Gardner, de 2004 à 2011.

Tous les autres partis ont dénoncé cette pratique, qui est, selon eux, contraire aux règlements de la Chambre des communes, et ont affirmé que leur directeur général était payé par leur parti et non par les fonds publics.

Gilles Duceppe affirme quant à lui que cette pratique était tout à fait légale. Il a entre autres fait valoir que les «fonctions parlementaires», pour lesquelles ces fonds étaient destinés, incluaient les «activités partisanes» en vertu des règles de la Chambre des communes.

«L'étude suit son cours»

Dans le cadre de cette enquête qui se déroule à huis clos, les membres du Bureau de régie interne ont entendu la version de M. Duceppe le 13 février. Au terme de son témoignage, ils ont décidé d'élargir leur enquête et d'entendre d'autres témoins.

Mais depuis quelques semaines, le dossier traîne en longueur, selon les conservateurs. «Le Bureau de régie interne fonctionne par consensus. Il semble que les libéraux et les néo-démocrates soient moins pressés de faire la lumière sur cette affaire. Le temps est donc venu de confier le tout à un comité parlementaire, qui fonctionne par un vote d'une majorité», a-t-on expliqué à La Presse.

«En tant qu'élu, j'aimerais qu'on fasse la lumière sur le dossier de M. Duceppe», a quant à lui déclaré le ministre d'État aux petites et moyennes entreprises, Maxime Bernier.

«Il y a eu des allégations assez graves selon lesquelles cela n'aurait pas respecté la Loi électorale. Étant donné que le Bureau de régie interne n'a pas livré la marchandise, il faut qu'un autre comité de la Chambre se penche sur les dépenses effectuées par le bureau de M. Duceppe et qui ont servi à des fins partisanes», a dit le ministre Bernier.

Au Nouveau Parti démocratique, on a nié toute irrégularité. «L'étude du Bureau de régie interne suit son cours et les choses sont faites dans l'ordre. Le Bureau de régie interne publiera un communiqué lorsque l'étude sera terminée», a déclaré une source néo-démocrate.

Le Bloc souhaite participer

Le comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre est présidé par le député conservateur Joe Preston. Le comité est responsable de différentes questions procédurales, financières et administratives concernant la Chambre des communes, notamment les affaires émanant des députés.

Le Bloc québécois, qui s'était vu refuser un siège au Bureau de régie interne pour l'étude de ce dossier parce qu'il n'est pas un parti reconnu par la Chambre de communes, souhaiterait participer aux délibérations éventuelles d'un comité.

«On ne veut pas assister à un lynchage public sans avoir notre mot à dire», a déclaré le leader parlementaire de la formation, André Bellavance. Il a de plus réclamé qu'une telle étude des dépenses porte sur tous les partis et pas seulement sur le Bloc.

Le député libéral Marc Garneau, qui siège au comité de la procédure, a qualifié de «délicate» la possibilité de passer outre à l'autorité du bureau chargé de rédiger, interpréter et faire respecter les règlements de la Chambre.

«Que le gouvernement s'ingère dans ce qui se fait dans ce comité-là, c'est peut-être créer un précédent, a-t-il dit. Je ne sais pas si ça s'est fait dans le passé, mais je pense qu'il y a toujours eu le plus grand respect pour le moins d'ingérence possible.»

Ce ne serait pas la première fois qu'un chef de parti fait l'objet d'une étude par un comité parlementaire à Ottawa. En 2007, l'ancien premier ministre progressiste-conservateur Brian Mulroney avait dû comparaître pour s'expliquer sur ses liens avec l'homme d'affaires germano-canadien Karlheinz Schreiber.