Le NPD veut que la privatisation d'une division d'Énergie atomique du Canada soit réexaminée à la lumière des nombreux dons qu'ont faits des dirigeants de SNC-Lavalin au Parti conservateur, peu avant l'ouverture de l'appel d'offres qui a permis à l'entreprise de mettre la main sur une partie de la société d'État.

La Presse a révélé hier qu'une dizaine de dirigeants de SNC-Lavalin et leurs conjointes avaient mené des opérations éclair de financement pour les conservateurs au Québec en 2009. Les dons, de 25 000 $ au total, ont été versés en deux vagues: la première en mai et en juin; la seconde en novembre et décembre.

L'entreprise assure qu'il s'agit d'initiatives personnelles. La loi interdit aux entreprises de contribuer aux partis politiques.

Mais le NPD s'inquiète du fait que, pendant la période où les dons ont été versés, SNC-Lavalin a fait du lobbyisme auprès du gouvernement conservateur au sujet de la politique fédérale sur «l'énergie nucléaire en Ontario».

Contact en juillet 2009

Le registre fédéral des lobbyistes relève une communication de l'entreprise à ce sujet avec Lisa Raitt, ministre des Ressources naturelles, le 24 juillet 2009. Deux communications avec le chef de cabinet de la ministre ont suivi les 13 novembre et 14 décembre, toujours sur le nucléaire.

Au mois de mai 2009, le gouvernement avait annoncé la possibilité de restructurer la société d'État et d'en privatiser une partie afin d'augmenter les ventes de réacteurs nucléaires et de limiter les dépenses.

Le 18 décembre, le gouvernement a lancé un appel d'offres pour la vente de la division commerciale d'Énergie atomique du Canada, qui a conçu et commercialisé les célèbres réacteurs CANDU. La filiale traversait une période difficile, et Ottawa avait dû y injecter des milliards de dollars.

SNC-Lavalin s'est finalement retrouvée seul acquéreur de la filiale. Elle a payé 15 millions de dollars et s'est engagée à verser des redevances à Ottawa sur les projets futurs.

L'opposition avait alors dénoncé ce qu'elle a qualifié de «vente de feu». Elle exige maintenant de nouvelles explications.

«Il y a des coïncidences là-dedans, des choses qui se passent plus ou moins en même temps. Des dons, du lobbying, puis la privatisation. Le gouvernement doit répondre et dire ce qui s'est passé», a insisté le député néo-démocrate Mathieu Ravignat, lors d'une entrevue avec La Presse hier.

«Ç'a été vendu à un prix très bas. On se demande si c'était à l'avantage des contribuables. On veut s'attarder sur les conditions dans lesquelles le contrat a été accordé», a-t-il ajouté.

En Chambre, un peu plus tôt, les conservateurs avaient balayé d'un revers de main toutes les inquiétudes du NPD. Ils ont souligné à plusieurs reprises qu'un vice-président de SNC-Lavalin avait aussi financé la caisse électorale du chef néo-démocrate Thomas Mulcair, à l'époque où il était ministre du gouvernement libéral de Jean Charest, sur la scène provinciale.

Fred Delorey, porte-parole du Parti conservateur, a indiqué à La Presse que les autres partis n'ont pas de leçons à donner en matière de financement électoral.

«C'est le gouvernement conservateur qui a interdit les dons provenant des entreprises pour éviter les conflits découlant des dons aux partis politiques et qui a limité les sommes pouvant être données», a-t-il déclaré.

Mulcair a aussi profité de l'argent de SNC-Lavalin, laisse entendre le PCC

Thomas Mulcair a lui aussi profité de la manne des firmes de génie-conseil lorsqu'il était en politique provinciale, a laissé entendre hier le gouvernement Harper.

Le NPD a qualifié de «louche» le fait que le Parti conservateur du Canada ait reçu près de 25 000 $ de la part de hauts dirigeants de la société SNC-Lavalin. Ses députés se sont succédé à la période des questions pour savoir si ces dons ont permis à la firme de décrocher des contrats fédéraux.

Mais, fidèles à leurs habitudes, les conservateurs ont répliqué en attaquant. Et pour ce faire, ils sont allés creuser dans le passé du chef néo-démocrate, Thomas Mulcair.

Le secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Pierre Poilievre, a souligné que M. Mulcair avait été ministre dans le gouvernement libéral de Jean Charest. Or, dit-il, son ancien parti a reçu 7000 $ de la part d'un haut placé de SNC-Lavalin.

«J'ai devant moi des faits montrant que M. Novak, qui est vice-président de SNC-Lavalin, a versé 7000 $ au parti du chef de l'opposition lorsqu'il était membre du Parti libéral provincial, a-t-il affirmé. Je veux qu'il se lève et s'explique.»

M. Poilievre a martelé cette réponse chaque fois que le NPD a questionné le gouvernement conservateur sur le sujet. Cette stratégie a dégoûté le porte-parole néo-démocrate en matière d'éthique, Charlie Angus: «C'est une réponse conservatrice typique, a-t-il déploré. Il y a quelques semaines à peine, ils nous ont aussi blâmés pour leur propre fraude électorale. Ils blâmeront n'importe qui.»

Avec Martin Croteau