Michael Ignatieff affirme que ses propos sur l'indépendance du Québec ont été cités « hors contexte », et il souhaite « ardemment » que la province reste au sein du Canada.

L'ancien chef libéral a fait cette mise au point, mercredi, 24 heures après la diffusion d'une entrevue au cours de laquelle il prédit que le Québec formera un jour un pays indépendant.

Cette entrevue, accordée à la BBC, a provoqué un coup de tonnerre au Québec comme au Canada anglais. Ses propos ont été critiqués par les fédéralistes et applaudis par les souverainistes.

« Comme je souhaite ardemment que le Québec demeure au sein du Canada et comme mes amis défendent cette idée avec courage et fierté, je suis triste de constater que mes propos puissent être utilisés contre l'unité nationale de notre pays, une cause qui nous tient tous à coeur », écrit M. Ignatieff dans une déclaration envoyée à La Presse.

M. Ignatieff martèle qu'il s'oppose à la séparation du Québec du Canada, et qu'il craint la création d'un fossé entre la province francophone et le reste du pays.

« Nous devons affronter toute menace contre l'unité nationale avec sérénité et détermination, écrit l'ancien leader libéral, aujourd'hui professeur à l'Université de Toronto. Nous devons faire appel à l'espoir plutôt qu'à la peur dans nos discussions avec nos concitoyens indépendantistes. Nous sommes plus forts ensemble que divisés, plus forts dans la reconnaissance de nos différences, plus forts dans la prospérité que nous avons créée ensemble depuis des siècles. »

M. Ignatieff a été invité par la BBC pour commenter les démarches entreprises par le Scottish National Party pour tenir un référendum sur l'indépendance de l'Écosse en 2014.

Au cours de l'entrevue, l'ancien chef du PLC trace un parallèle avec l'expérience canadienne, affirmant que les deux référendums sur la souveraineté ont incité le gouvernement fédéral à confier toujours plus de prérogatives au gouvernement québécois. Il cite en exemple l'immigration, la gestion des ressources naturelles, l'éducation et la santé. (Ces pouvoirs ont été confiés aux provinces avant les référendums de 1980 et 1995.)

Cette stratégie, poursuit M. Ignatieff, permet de conserver l'unité du pays pour un temps. Mais pas indéfiniment.

« C'est une sorte de station intermédiaire, affirme-t-il. Vous vous arrêtez là pour un temps. Mais la logique, éventuellement, est l'indépendance complète. »

« Pour le Québec comme pour l'Écosse? » demande l'intervieweur.

« Je pense, éventuellement, que c'est où ça mène. »

Les anciens adversaires politiques de M. Ignatieff ont vivement dénoncé sa sortie. Le ministre conservateur du Patrimoine, James Moore, estime que ses propos sont carrément « irresponsables ».

« C'est la responsabilité de M. Ignatieff, de M. Rae et du Parti libéral de faire des déclarations pour unifier le pays, pas de nous diviser, a-t-il dénoncé. Et la thèse de M. Ignatieff est entièrement fausse : le Canada va être uni aujourd'hui, demain et pour une centaine d'années qui s'en vient. »

Stéphane Dion, un autre ancien chef du PLC, s'est dit complètement en désaccord avec l'analyse de M. Ignatieff.

« Il faut toujours croire au Canada, a-t-il affirmé. On a entre les mains un pays extraordinaire qu'il faut toujours améliorer. Et ça ne peut pas se faire si nous, les Québécois, on n'y met pas toute notre énergie et notre coeur. »

L'entrevue a également eu des échos à Québec, où le Parti québécois a jugé « fantastique » de découvrir que des ennemis se transforment en « alliés ».

« De la façon dont le Canada se développe sans le Québec, sans en avoir besoin pour former un gouvernement majoritaire, cela révèle sa nature profonde. Je dis donc : soyons de bons voisins plutôt que de mauvais coucheurs », a réagi son porte-parole en matière de Langue, Yves-François Blanchet.

Le député rappelle qu'un ancien proche conseiller de Brian Mulroney, Peter White, a récemment écrit dans le Maclean's qu'on assistait à « la lente séparation de facto du Québec du reste du pays, émotivement, spirituellement et intellectuellement».

En point de presse ce matin, le premier ministre Jean Charest n'a pas voulu se « lancer dans une analyse éditoriale » des déclarations de M. Ignatieff.

« C'est peut-être l'occasion de rappeler aux Québécois que c'est la priorité de Mme Marois (de faire la souveraineté) », a-t-il dit. « Elle, ce qu'elle veut, c'est un gouvernement qui va s'occuper de référendum », a-t-il ajouté.