La Cour supérieure a prolongé jusqu'à la semaine prochaine l'injonction de sauvegarde qu'elle a imposée la semaine dernière pour protéger les données québécoises du registre fédéral des armes d'épaule, une ordonnance qui venait à échéance vendredi après-midi.

Le juge Marc-André Blanchard a indiqué vendredi midi qu'il ne pourrait, avant l'échéance de 17 h, entendre toutes les plaidoiries sur la première injonction imposée le 5 avril par son confrère de la Cour supérieure Jean-François de Grandpré. Le juge Blanchard prolonge donc cette première injonction afin de lui laisser le temps de décider s'il doit prononcer une nouvelle injonction de sauvegarde jusqu'à ce que le tribunal entende la cause sur le fond, en juin.

Une décision écrite est attendue la semaine prochaine et, pendant ce temps, le registre demeure accessible au Québec.

Le gouvernement Harper avait haussé le ton, vendredi matin, devant la volonté de Québec de sauvegarder les données québécoises du registre. Les avocats du gouvernement fédéral ont fait valoir devant le juge Blanchard qu'Ottawa ne consentait pas à respecter volontairement au-delà de 17 h l'injonction temporaire qui préservait les données jusque-là.

Le projet de loi fédéral sur la destruction du registre des armes d'épaule a obtenu la sanction royale la semaine dernière, et il a force de loi partout au pays sauf au Québec - en raison de l'injonction de sauvegarde.

Dans sa décision, le juge Blanchard a écrit que puisque d'importantes questions juridiques demeuraient sans réponse, il était plus avisé de conserver le statu quo et de maintenir le registre tel quel.

«C'est le maintien du statu quo, alors je crois qu'il est important de comprendre que pour le moment, jusqu'à la semaine prochaine, les transactions d'armes à feu sur le territoire du Québec continues d'être enregistrées», a indiqué Éric Dufour, l'avocat du gouvernement du Québec.

Les avocats du gouvernement fédéral n'ont pas voulu commenter.

Plus tôt cette semaine, une porte-parole du ministre de la Sécurité publique Vic Toews avait déclaré que le gouvernement continuerait d'agir pour s'assurer que le registre des armes d'épaule soit détruit pour de bon.

«Cette injonction est temporaire et ne diminue en rien notre détermination à mettre fin au registre une bonne fois pour toutes», a dit Julie Carmichael.

«Nous sommes déçus de constater qu'en contradiction avec la volonté des Canadiens et du Parlement, le registre gaspilleur et inefficace est toujours en vigueur.»

Pendant ce temps, les avocats se préparent à débattre des mérites de l'affaire pendant trois jours, dès le 11 juin.

Le gouvernement du Québec a déjà annoncé son intention de mettre sur pied son propre registre des armes d'épaule, en récupérant les données recueillies jusqu'ici par le fédéral. Mais Ottawa s'y oppose et refuse de transférer les données.

La semaine dernière, le juge de Grandpré avait interdit au gouvernement fédéral de détruire les données québécoises du registre, accédant ainsi à une requête du gouvernement du Québec.

Le fédéral souhaitait cette semaine faire lever cette injonction. Ottawa affirme que Québec est en droit de mettre sur pied son propre registre, mais qu'il devra le faire sans utiliser les données déjà contenues dans le registre pancanadien.

Le contrôle des armes est un dossier important au Québec.

Le massacre de l'École polytechnique de 1989, lorsqu'un tireur a abattu 14 jeunes femmes, avait poussé le gouvernement fédéral à durcir les lois sur les armes à feu.

Une fusillade survenue en 2006 au Collège Dawson, qui a fait un mort, a amené Québec a imposer de nouvelles règles.

La mère d'Anastasia De Sousa, la jeune femme tuée à Dawson, a dit être contente que Québec se batte pour conserver les données du registre.

«Le gouvernement fédéral aurait simplement dû modifier la loi, y apporter quelques amendements et rendre tout le monde heureux tout en assurant la sécurité des Canadiens», a dit Louise De Sousa.

En 2008, Québec a adopté une loi nommée en l'honneur de la jeune femme assassinée. Elle interdit le port d'arme dans les écoles et les garderies, ainsi qu'à bord des transports publics et scolaires.