Comme chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair sera un très beau défi pour le Bloc québécois, concède le leader bloquiste, Daniel Paillé.

Au moment où le Bloc semblait avoir devancé le NPD dans les intentions de vote des Québécois, la présence d'un leader néo-démocrate en provenance du Québec pourrait faire mal au parti souverainiste.

Mais M. Paillé affirme ne pas être inquiet outre-mesure. Car en tant que Québécois, le nouveau chef du NPD devra rapidement montrer sa «patte canadienne» aux membres du parti pour ne pas les inquiéter ou, pire encore, les aliéner, a-t-il déclaré en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

«Généralement, quand les partis fédéralistes ont un chef québécois, il faut qu'ils montrent leur fibre canadienne assez rapidement», a commenté M. Paillé.

«Il devra être Canadien d'abord», croit-il.

Et même s'il sera un chef qui va bien comprendre les enjeux québécois, il ne pourra pas forcément toujours prendre des positions favorables aux Québécois. «Il sera confronté à la réalité canadienne», affirme M. Paillé.

«Alors que pour nous, c'est le Québec sans compromis».

Il cite en exemple l'attribution par le gouvernement des deux contrats qui avaient échappé aux chantiers maritimes Davie de Lévis, au profit de deux autres provinces. Contrairement au caucus bloquiste, les députés du NPD avaient eu des positions contradictoires sur le choix des entreprises, favorables à la Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique où ils ont aussi des électeurs.

Après les élections du 2 mai dernier, qui avaient porté le NPD au statut d'opposition officielle, Jack Layton avait été confronté à pareille situation. Questionné sur la difficulté d'être à la tête d'un parti national lorsque la majorité de ses députés sont du Québec, il avait déclaré être assis «sur une lame de rasoir».

M. Paillé hésite, mais ne croit pas que M. Mulcair pourrait être un allié pour défendre les intérêts du Québec.

«Moi je le connais M. Mulcair. M. Mulcair s'allie avec lui-même», avance-t-il. Le sourire qu'il a affiché durant la course à la chefferie était «étonnant» pour ceux qui le connaissent. «Le naturel va revenir», annonce-t-il.

Et puis la présence de M. Mulcair aux Communes sera un défi aussi pour les conservateurs et les libéraux. Car le chef néo-démocrate - que Daniel Paillé a côtoyé à l'Assemblée nationale où ils y étaient des adversaires politiques - excelle dans les débats et fait valoir ses idées de façon énergique.

«Quand tu as quelqu'un comme lui devant toi, moi, cela me stimule», lance-t-il, combatif.

Aurait-il préféré que le parti choisisse un candidat anglophone d'une autre province pour avoir plus de raisons de convaincre les Québécois de voter Bloc? «Le NPD ne s'est pas mêlé du choix du chef du Bloc alors moi je ne vais pas me mêler du choix du NPD», a-t-il laissé tomber.

Bien qu'il reconnaisse que la partie ne sera pas facile avec M. Mulcair aux commandes du NPD, le chef du Bloc québécois n'a pas l'intention de modifier sa stratégie face à ce nouvel adversaire.

Il souligne que la machine du Bloc est bien huilée, avec ses 75 associations de circonscription, laissant entendre que le chef néo-démocrate ne dispose pas d'une telle force et qu'il devra la bâtir.

Le conseil général du Bloc se tiendra cette fin de semaine pour adopter le plan d'action du parti. Il y sera sûrement question de M. Mulcair, mais le chef dit vouloir garder le cap en vue des prochaines élections de 2015.

Daniel Paillé dit avoir hâte de rejoindre M. Mulcair aux Communes. Ajoutant, à la blague, que M. Mulcair le rejoint, lui, dans les rangs des chefs de parti barbus au Canada.