Les adversaires de Thomas Mulcair dans la course à la direction du NPD l'accusent d'employer le candidat Martin Singh comme «chien de garde», des allégations que réfute l'ancien adjoint de Jack Layton.

Depuis quelques semaines déjà, plusieurs pensent que M. Singh, un pharmacien néo-écossais qui a peu de chances de l'emporter, s'est allié avec M. Mulcair, et qu'il accorderait éventuellement son appui au favori de la course.

Ces spéculations ont pris du poids pour plusieurs néo-démocrates après que M. Singh eut lancé ses attaques les plus virulentes contre deux des principaux adversaires de M. Mulcair, Brian Topp et Peggy Nash, lors des deux derniers débats des candidats.

Le directeur de campagne de M. Mulcair nie toutefois que M, Singh agisse pour le bénéfice du candidat montréalais.

«L'idée que nous coordonnions le débat, ou que nous utilisions Martin Singh comme »chien d'attaque« est entièrement inventée et, si je peux m'exprimer ainsi, un peu condescendante envers M. Singh», a déclaré Raoul Gebert.

En privé, les cinq camps rivaux n'ont que peu de doute à l'idée que M. Singh effectue «le sale boulot» pour Thomas Mulcair - comme le formule un néo-démocrate haut placé -, permettant de fait à l'ancien bras droit de Jack Layton au Québec de rester au-dessus de la mêlée.

Ces rivaux ont rapidement constaté que MM. Mulcair et Singh semblaient s'appuyer mutuellement lors des débats. Deux camps affirment qu'ils ont même entendu certains néo-démocrates rapporter que M. Singh avait clairement fait part de son intention d'appuyer le député d'Outremont.

Pour M. Gebert, toutefois, le fait que les deux hommes s'entendent bien est uniquement la preuve que M. Mulcair a entretenu de bonnes relations avec ses rivaux, une stratégie «sensée» dans une course où les deuxièmes choix des membres détermineront sans doute le résultat.

«Nous sommes fiers d'avoir conservé des relations positives avec tous les autres camps en menant une campagne résolument positive», a-t-il déclaré.

«Et donc, faire allusion à certaines situations »amicales« à différents moments lors de la campagne ne fait que prouver que les autres candidats voient effectivement Thomas comme un deuxième choix et vient simplement prouver que nous sommes fiers d'avoir reçu l'appui des anciens candidats Romeo Saganash et Robert Chisholm.»

Au départ, les autres camps avaient présumé que M. Singh se retirerait rapidement de la course pour se ranger du côté de M. Mulcair. Mais après les plus récents débats, ils sont convaincus qu'il demeurera en lice jusqu'au congrès du 24 mars, jouant entre-temps le rôle de fier-à-bras pour M. Mulcair.

La fin de semaine dernière, à Montréal, Martin Singh a profité des 90 secondes de sa déclaration de clôture pour s'en prendre directement à Peggy Nash, lui demandant: «Comment quelqu'un qui n'a jamais vécu au Québec peut espérer comprendre le Québec?».

Des sept candidats, seuls MM. Mulcair et Topp ont vécu dans la province. M. Singh en a toutefois profité pour s'en prendre à Brian Topp, comme il l'avait fait à Winnipeg lors du débat précédent.

M. Singh a d'ailleurs été le seul des sept candidats à ne pas vouloir répondre aux questions des journalistes après le débat de Montréal. Son camp a depuis refusé toute demande d'entrevue.

Considéré comme un joueur d'importance mineure dans la course, M. Singh a néanmoins recruté plusieurs milliers de nouveaux membres pour le parti, surtout au sein de la communauté sikhe.

La députée québécoise Françoise Boivin, qui appuie Brian Topp, dit avoir été «un peu surprise et prise de court» par les attaques de M. Singh contre M. Topp à Montréal. Elle dit s'être crue transportée lors d'une période des questions de la Chambre des communes, à Ottawa.

«Je m'attends à ce genre de chose de la part des conservateurs, pas de quelqu'un de mon propre parti», dit-elle.

Malgré tout, Mme Boivin, qui a précisé que Thomas Mulcair serait son deuxième choix, refuse de spéculer à savoir si M. Singh agit effectivement dans l'intérêt de M. Mulcair.

«Je n'ai aucune intention de jouer à ce jeu.»

À la suite du débat de Montréal, Éric Hébert-Daly, le responsable électoral du NPD, a envoyé une note à toutes les équipes de campagne pour souligner que «les candidats avaient parfois utilisé un langage non parlementaire» lors d'événements parrainés par le parti.

Selon lui, un tel langage n'est pas permis à la Chambre des communes et ne sera pas non plus toléré dans la course au leadership.

«Si lors d'un débat ou d'un discours qui est organisé par le parti, un candidat dit quelque chose qui est inacceptable ou se lance dans une attaque personnelle, je donnerai le droit au modérateur ou au responsable du plateau de couper le micro de la personne fautive», indique-t-il dans la note, obtenue par La Presse Canadienne.

«Je donnerai suite à l'incident avec une discussion complète avec le groupe fautif, qui recevra une pénalité financière. Des excuses publiques devront être publiées dans l'espace public dans le cadre de l'amende.»