Un employé de la firme Responsive Marketing Group (RMG) qui levait des fonds pour le Parti conservateur a été congédié après qu'il eut harcelé les membres de la formation, et qu'il les ait contactés sous de fausses représentations.

Des enregistrements obtenus par La Presse révèlent la manière pugnace, voire carrément intimidante utilisée par cet employé, qui recueillait des fonds pour le compte du Parti conservateur. Leur publication survient au moment où des sympathisants québécois du parti se plaignent d'être harcelés par des collecteurs de fonds depuis quelques jours. Et ces enregistrements soulèvent de sérieuses questions éthiques, selon un expert.

«Oh, vous n'êtes pas un conservateur? Nous ne voulons pas parler à un socialiste ou à un séparatiste.»

Voilà ce que Don Duke assène à un résidant de la Colombie-Britannique qui vient de lui dire qu'il n'appuie plus le Parti conservateur.

En écoutant la conversation, on comprend que l'homme a déjà contribué à la caisse conservatrice dans le passé. M. Duke dit le joindre de la part des «services aux partisans au nom du gouvernement Harper». Il lui demande s'il peut «donner quelques centaines de dollars» puisqu'il n'a pas contribué l'an dernier ni cette année.



Il flaire l'arnaque

Un autre sympathisant conservateur joint par M. Duke s'étonne que celui-ci connaisse des renseignements sur lui, mais qu'il soit incapable de lui nommer le député de sa circonscription. De toute évidence, il craint une arnaque.

«Si vous ne voulez pas faire un don, vous n'avez qu'à le dire, lui lance M. Duke. Je ne veux pas perdre mon temps avec vous. Vous êtes une perte de temps en ce qui me concerne.»

À une femme, qui affirme que son mari est absent, M. Duke insiste longuement pour lui parler lorsqu'il croit entendre la voix de l'homme en arrière-plan.

«Je l'ai entendu! Il est là! Votre mari est là, come on!», dit-il.

Le Parti conservateur et RMG se dissocient complètement du comportement de M. Duke (voir autre texte). Mais une source le décrit comme «un des meilleurs» téléphonistes. Il recueillait de 2500$ à 3000$ par jour.

«Du harcèlement»

Le politologue Guy Lachapelle, qui enseigne à l'Université Concordia, n'y va pas par quatre chemins pour qualifier les appels: «C'est du harcèlement», tranche-t-il.

Le chercheur affirme que l'approche agressive du collecteur de fonds s'inspire des méthodes peaufinées par le Parti républicain aux États-Unis, des tactiques dont il a déjà été témoin. Selon lui, il faudrait une loi pour protéger des citoyens contre cette pratique.

«C'est de la fausse représentation et c'est de la pression indue sur de pauvres citoyens», soutient-il.

La société RMG se trouve au coeur de vifs débats aux Communes depuis quelques jours. La société, qui est très proche du Parti conservateur, fait l'objet d'une enquête d'Élections Canada, selon la CBC. Le Toronto Star a écrit la semaine dernière que des téléphonistes de son centre d'appels de Thunder Bay ont dirigé des électeurs vers de faux bureaux de vote lors des élections du 2 mai 2011.

Quant aux méthodes de financement du Parti conservateur, elles ont fait l'objet de critiques au cours des derniers jours. Le Devoir a rapporté que des électeurs ont été sollicités sans relâche par le Parti conservateur, se faisant dire - à tort - qu'ils avaient promis de lui verser un don.

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Le PCC condamne les méthodes de M. Duke

Le collecteur de fonds Don Duke s'est comporté de manière «inacceptable», reconnaît le Parti conservateur. Et la société Responsive Marketing Group (RMG) s'excuse «sans réserve» aux membres de la formation qui se sont frottés à ses méthodes musclées. 

Le Parti conservateur assure que ses sous-traitants doivent se soumettre à des normes de professionnalisme rigoureuses. En défaut de quoi, il exige des corrections immédiates, affirme son porte-parole, Fred Delorey. «C'était un comportement inacceptable, a indiqué M. Delorey. Grâce à une surveillance et un contrôle de qualité constants, cette personne a été remerciée l'an dernier.» 

La société RMG est au coeur d'une vive controverse depuis deux semaines. Dans une déclaration écrite expédiée àLa Presse, elle assure qu'elle souscrit aux normes les plus strictes en matière de sollicitation téléphonique. «Cette personne n'a pas travaillé à RMG depuis un certain temps, a indiqué l'entreprise. Nous n'admettons pas des actions comme celles-ci, et nous nous excusons sans réserve aux partisans du parti qui ont reçu les appels en question.»