Un nouveau rapport contredit la version du gouvernement Harper au sujet de l'impact financier du projet de loi omnibus C-10, qui vise à durcir la justice criminelle au Canada.

Le Directeur parlementaire du budget (DPB) a affirmé, dans une étude rendue publique mardi, que la modification d'un seul article de loi pourrait engendrer des dépenses supplémentaires de plusieurs dizaines de millions de dollars par année pour Ottawa et les provinces.

Les modifications apportées à l'article 741.2 du Code criminel visent à limiter la possibilité pour les tribunaux d'accorder aux criminels des peines d'emprisonnement avec sursis.

Selon le DPB, ces changements se traduiraient par une augmentation des coûts de 8 millions de dollars pour le fédéral pour une seule année et de 137 millions pour les provinces. À lui seul, le Québec devrait éponger près de 45 millions par an.

«Le gouvernement a déclaré que la partie du projet de loi C-10 qui concerne l'article 742.1 n'entraînerait pas de coûts à l'échelle fédérale, ont noté les auteurs du rapport. On voit cependant mal comment le gouvernement en est arrivé à cette affirmation, puisque l'élimination des peines d'emprisonnement avec sursis fera augmenter le nombre de procès et le nombre de contrevenants incarcérés.»

Pas une première

Ce n'est pas la première fois que le DPB contredit le gouvernement Harper quant à son évaluation du coût de ses réformes en droit criminel. En 2009, Kevin Page avait indiqué que le projet de loi C-25, qui abolissait la pratique de compter en double le temps passé en détention avant le procès, pourrait coûter jusqu'à 5 milliards en cinq ans au fédéral - plus de deux fois l'évaluation faite par le ministre responsable.

Mardi, le DPB a tempéré cette analyse. Le fait qu'Ottawa ait jusqu'ici répondu à l'augmentation du nombre de prisonniers par l'occupation double des cellules et non par la construction de nouveaux établissements a «influé grandement sur les prévisions du DPB», ont écrit les auteurs du rapport. Ils n'ont pas fourni de nouveaux chiffres.

Malgré les critiques des partis de l'opposition, dont le Nouveau Parti démocratique (NPD) qui avait réclamé cette nouvelle analyse, le ministre de la Justice, Rob Nicholson, a maintenu la position de son gouvernement sur les peines d'emprisonnement avec sursis et fait valoir qu'elles ne pouvaient s'appliquer que pour certaines infractions, dont des infractions de type sexuel. Il n'a toutefois pas évoqué la question des coûts.

En présentant son projet, Ottawa a affirmé que les contribuables n'auraient à payer que 78,6 millions au fédéral. Les partis de l'opposition estiment qu'il s'agit d'une sous-évaluation grossière et que ce sont les provinces qui auront à éponger le gros des coûts supplémentaires. Le DPB a lui-même dénoncé mardi le fait qu'il ne recevait pas assez d'information du gouvernement à cet égard. Le Québec a déjà affirmé qu'il ne paierait pas la note.

C-10 devrait néanmoins être adopté d'ici environ trois semaines, si le gouvernement veut honorer sa promesse électorale d'une sanction royale dans les 100 jours de sa présentation. Il fait actuellement l'objet de votes au Sénat. Le projet sera ensuite retourné à la Chambre des communes pour une dernière ronde de débats.