Des députés fédéraux membres d'un comité des Communes étudient la possibilité de munir de petites lumières rouges les caméras qui filment leurs échanges en Chambre.

Certains députés affirment que cela les aiderait à savoir à qui s'adresser quand ils prennent la parole. Mais d'autres prétendent que l'idée n'a rien à voir avec ceux de leurs collègues qui sont devenus malgré eux de véritables vedettes sur YouTube après avoir été filmés faisant leur toilette ou piquant un petit roupillon.

«Personne ne s'oppose à être filmé par une caméra, ça fait partie de notre boulot, a dit au Hill Times le député conservateur de Regina Tom Lukiwski. Mais je pense que la majorité des députés aimeraient simplement savoir quand ils sont filmés - et si c'est une prise grand angle, alors plusieurs députés sont pris de court.»

D'autres reconnaissent toutefois qu'ils cherchent clairement à éliminer les scènes embarrassantes.

«Parfois, des députés pourront être distraits et ça pourrait potentiellement se révéler gênant, a indiqué le libéral Kevin Lamoureux, qui a assisté aux audiences du comité quand la question a été débattue. Je pense que les députés veulent simplement savoir quelle caméra les filme.»

Une vidéo mise en ligne sur YouTube, et vue plus de 136 000 fois, montre le député néo-démocrate québécois Jonathan Genest-Jourdain qui s'endort derrière sa collègue Françoise Boivin, alors en pleine envolée. Une autre vidéo, celle-là vue plus de 77 000 fois, montre le député conservateur albertain Rob Anders lutter pour rester éveillé.

M. Anders affirme qu'on ne doit pas tenir rigueur aux députés d'une sieste occasionnelle. «Ce sont des êtres humains et ce qui se passe en Chambre se passe en Chambre», a-t-il dit lors d'une entrevue.

Le président du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, le député conservateur Joe Preston, affirme qu'une lumière rouge n'empêcherait pas nécessairement les députés d'être humiliés en ligne, mais que cela n'est pas le but premier de l'exercice. Selon lui, certains députés s'inquiètent de sembler parler dans le vide quand ils prennent la parole: une lumière rouge, dit-il, leur permettrait de s'adresser directement à la caméra.

«Plusieurs des nouveaux députés disent: «Je me lève pour parler, je pense que je m'adresse à la bonne caméra mais en réalité, je suis filmé de côté et mes électeurs me demandent pourquoi je ne regarde jamais la caméra?», a expliqué M. Preston.

Mais Peter Milliken, qui a été président de la Chambre des communes pendant 10 ans, rappelle qu'aucun débat véritable ne se déroulera si les députés s'adressent aux caméras plutôt qu'à leurs collègues.

«La majorité des députés doivent s'adresser au président ou aux autres députés, ils doivent tenter de convaincre les autres députés grâce à leurs arguments, a-t-il dit. Donc, d'après moi, c'est ce qu'ils devraient faire au lieu de s'occuper de la caméra.»

Katie Skinner, de l'organisme Canadians Advocating Political Participation, n'en démord pas elle non plus. Son groupe milite en faveur d'un plus grand décorum au Parlement, et a appuyé un projet de loi déposé par le député conservateur Michael Chong qui imposerait aux députés un comportement acceptable à la Chambre des communes.

«Si vous êtes à la Chambre des communes, vous n'êtes pas là pour faire la sieste, a-t-elle dit. Il y a du travail sérieux à faire. Si ça les dérange, ils devraient peut-être y penser à deux fois avant de siéger.»

Allan Bonner, un consultant qui a contribué à la télédiffusion des débats à l'Assemblée législative de l'Ontario, explique quant à lui que le problème ne vient pas tant des caméras que des politiciens eux-mêmes.

«Ils devraient surveiller leur comportement parce qu'ils sont aux Communes, pas parce qu'ils sont à la télévision, a-t-il dit. Il faut respecter le Parlement du Canada ou la législature d'une province ou d'un territoire, pas les caméras de télévision.»