Le chef intérimaire du Parti libéral, Bob Rae, ne décèle aucun appétit chez les militants libéraux pour entreprendre des pourparlers avec le Nouveau Parti démocratique dans le but de fusionner les deux partis et de créer une nouvelle formation politique capable de mieux rivaliser avec les troupes conservatrices de Stephen Harper.

Preuve du peu d'intérêt des militants pour cette option, aucune motion en ce sens ne sera débattue au congrès national du Parti libéral qui aura lieu à Ottawa à la mi-janvier.

Dans une récente entrevue accordée à La Presse, M. Rae a fait valoir que la reconstruction du Parti libéral demeure la priorité absolue des militants libéraux qu'il a rencontrés aux quatre coins du pays au cours des derniers mois. Et c'est à cette tâche difficile qu'il se consacrera jusqu'à ce qu'il passe le flambeau au prochain chef du parti qui sera choisi au plus tard en juin 2013.

«La fusion n'est pas une option qui est sur la table. Il n'y a pas beaucoup d'intérêt au sein de notre parti pour discuter de cette idée, à part quelques individus. C'est la même chose du côté du NPD. Ce n'est pas une idée qui les intéresse. La réalité est que nous sommes deux partis différents, aux visions différentes», a dit M. Rae.

L'ancien premier ministre Jean Chrétien est l'un de ceux qui croient que le Parti libéral ne pourra faire autrement que de fusionner avec le NPD pour ravir le pouvoir aux conservateurs. Le député néo-démocrate de Winnipeg Pat Martin préconise aussi l'union des forces de la gauche pour mettre fin au règne des conservateurs dès le prochain scrutin, prévu en 2015.

Plus de 2000 militants libéraux sont attendus au congrès de la mi-janvier, le premier à avoir lieu depuis la défaite historique du Parti libéral aux élections du 2 mai. Habitués au pouvoir pour l'essentiel du dernier siècle, les libéraux n'ont remporté que 34 sièges au dernier scrutin et ont été relégués au troisième rang aux Communes. Pis encore, le Parti libéral n'a récolté que 18,9% des suffrages.

Reconstruire le parti

Pour accélérer la reconstruction du parti, on propose d'ouvrir toutes grandes les portes aux personnes qui souscrivent aux grands principes du parti sans qu'elles soient obligées d'en devenir membres. Ces mêmes personnes qui accepteront de signer un formulaire appuyant les principes du parti auront droit de voter pour le prochain chef.

Au cours des derniers mois, Bob Rae a su tirer son épingle du jeu de manière remarquable à la Chambre des communes même s'il dirige un parti relégué au troisième rang. Cette performance a permis au Parti libéral de gagner quelques points dans les sondages.

M. Rae a indiqué que les députés libéraux ont agi avec beaucoup de cohésion, notamment durant la période des questions, en soulevant des enjeux cruciaux comme l'économie, l'environnement et le fardeau imposé à la classe moyenne.

M. Rae a d'ailleurs été nommé meilleur parlementaire de 2011 par les députés dans le cadre du sondage annuel réalisé par le magazine Maclean's. Mais le chef libéral par intérim refuse de bomber le torse. Il a affirmé que les libéraux ont pu se démarquer du NDP, opposition officielle, parce que ce parti est engagé dans une course à la direction qui prendra fin le 24 mars à Toronto.

«Les choses vont changer en mars. Et un sondage ne veut pas dire une victoire et une hirondelle ne fait pas le printemps», a-t-il philosophé.

Faits «troublants»

Durant l'entrevue, M. Rae s'est montré fort critique du comportement du gouvernement conservateur de Stephen Harper. S'il répète à qui mieux mieux que l'économie est sa priorité, les gestes et les actions du gouvernement au cours de la dernière session parlementaire démontrent le contraire, selon le chef libéral. Il a cité en exemple la décision «troublante» des conservateurs de vouloir à tout prix détruire les données du registre des armes d'épaule, faisant fi de la volonté de Québec qui lui demande de lui remettre les données pour créer son propre registre des armes à feu.

Il a donné aussi en exemple l'intention du gouvernement Harper de mettre fin au monopole de la Commission canadienne du blé même si la Cour fédérale a tranché que le projet de loi en ce sens adopté par la Chambre des communes violait les processus parce que le ministre de l'Agriculture, Gerry Ritz, n'avait pas consulté adéquatement les agriculteurs concernés par cette réforme.

«Le gouvernement Harper est un gouvernement arrogant. Il n'est pas vraiment intéressé par la démocratie, par la façon démocratique de faire les choses», a lancé M. Rae, notant au passage que les conservateurs ont imposé le bâillon à maintes reprises durant la session automnale pour couper court aux débats et adopter à toute vapeur des mesures controversées.