Les députés conservateurs, en particulier ceux de l'extérieur du Québec, sont de plus en plus mal à l'aise de voir leur gouvernement défendre bec et ongles l'industrie de l'amiante.

Le malaise est tel que, si l'occasion se présente de nouveau à la Chambre des communes, plusieurs députés n'hésiteront pas à voter en faveur d'une motion interdisant la vente de ce produit que décrient plusieurs pays et organisations, a appris La Presse.

«Je ne comprends pas pourquoi on continue à défendre cette industrie. Tout le monde sait que l'amiante est néfaste pour la santé. On fait tout cela pour protéger une circonscription, mais sur le plan moral, cela va à l'encontre de nos principes», a affirmé un député conservateur qui a requis l'anonymat.

Cette circonscription est celle de Mégantic-L'Érable, détenue par le ministre de l'Industrie et lieutenant politique de Stephen Harper au Québec, Christian Paradis. Elle abrite la mine Lac d'amiante de Thetford Mines, tandis que la mine Jeffrey se trouve à Asbestos, dans la circonscription voisine de Richmond-Arthabaska.

Les conservateurs, qui ne détiennent que 5 des 75 sièges au Québec, lorgnent depuis très longtemps la circonscription de Richmond-Arthabaska. Mais le député bloquiste André Bellavance a résisté tant à la vague orange du 2 mai qu'aux assauts répétés des conservateurs depuis 2006.

Le député conservateur a affirmé que le Nouveau Parti démocratique pourrait semer la zizanie au sein des troupes conservatrices à la reprise des travaux parlementaires à la fin du mois de janvier s'il déposait une motion exigeant du gouvernement qu'il interdise l'exportation de l'amiante vers des pays émergents.

«C'est probablement l'enjeu qui crée le plus de division au sein du caucus à l'heure actuelle. Il y aurait pas mal de députés qui exprimeraient leur dissidence avec la position du gouvernement s'il y avait un vote aux Communes», a affirmé le député à La Presse.

Pressions

Depuis quelques mois, la pression s'est intensifiée sur le gouvernement Harper pour qu'il cesse d'appuyer les exportations canadiennes de l'amiante vers des pays émergents comme l'Inde.

La pression a également commencé à augmenter au sein des troupes conservatrices. En juin, l'ancien ministre des Affaires indiennes Chuck Strahl, qui a quitté la politique au printemps et qui a souffert d'un cancer des poumons causé par l'amiante, a exhorté le gouvernement conservateur à changer son fusil d'épaule dans ce dossier.

En novembre, au moins une dizaine de députés conservateurs, dont le député Mark Warawa, de la Colombie-Britannique, ont organisé une rencontre privée avec des experts de l'industrie afin d'obtenir plus d'information sur cette industrie controversée.

Également en novembre, cinq députés conservateurs - les députés de l'Alberta James Rajotte et Jim Hillyer et les députés de l'Ontario Pat Davidson, Royal Galipeau et Ed Holder - se sont abstenus de voter contre une motion parrainée par le NPD aux Communes visant à interdire complètement les exportations de l'amiante canadien.

Malgré ces pressions, le ministre Stephen Harper a toujours défendu cette industrie. Son gouvernement s'est d'ailleurs opposé à trois reprises jusqu'ici à ce que l'amiante chrysotile soit inscrit sur la liste des substances dangereuses de la convention de Rotterdam, traité international conclu sous l'égide des Nations unies.

Charge soutenue

Aux Communes, le NPD mène une charge soutenue contre ce produit depuis quelques mois. Le député néo-démocrate de Winnipeg, Pat Martin, a affirmé encore jeudi dernier que «l'amiante est le produit industriel le plus meurtrier que le monde ait connu. L'amiante tue plus de Canadiens que toutes les autres maladies professionnelles ou causes industrielles confondues et le Canada demeure pourtant l'un des plus grands producteurs et exportateurs d'amiante du monde».

Son collègue de Nickel Belt, Claude Gravelle, a affirmé durant un débat sur la motion du NPD, le 31 octobre: «Le débat scientifique sur l'amiante chrysotile est terminé. L'écrasant consensus scientifique est clair: l'amiante chrysotile nuit de façon importante à la santé humaine, il ne peut être utilisé de façon sécuritaire et devrait être interdit. Des sources crédibles estiment qu'il y a plus de 100 000 décès par année dans le monde causés par les maladies de l'amiante.»

Le ministre Christian Paradis rétorque de manière systématique aux attaques du NPD que «le Canada favorise depuis plus de 30 ans l'utilisation sécuritaire et contrôlée de l'amiante chrysotile ici au pays et à l'international. Des études scientifiques récentes démontrent que la fibre peut être utilisée de façon sécuritaire dans des conditions contrôlées».

L'an dernier, le gouvernement Harper a accordé une subvention de 220 000 $ à l'Institut du chrysotile à Montréal pour l'aider à vendre son produit à l'étranger.

Depuis quelques années, le gouvernement fédéral a dépensé des dizaines de millions de dollars pour retirer l'amiante des édifices de la colline parlementaire. Jusqu'ici, pas moins de 1000 tonnes métriques ont été retirées.