À moins de trois mois du prochain budget, le gouvernement Harper affûte sa hache; ce ne sera pas 5% de compressions, mais bien 10% de réduction des dépenses que le ministre des Finances, Jim Flaherty, imposera à l'ensemble de l'appareil gouvernemental.

En tout, le gouvernement Harper tient à réaliser des économies de 8 milliards de dollars par année d'ici à trois ans, deux fois plus que ce que le ministre Flaherty avait laissé entendre dans sa mise à jour économique déposée il y a à peine un mois, a appris La Presse.

Dans cette mise à jour, le ministre Flaherty avait confirmé que le gouvernement Harper retardait d'un an, à l'exercice financier 2015-2016, l'élimination du déficit, qui frisera les 31 milliards de dollars cette année, en raison de la crise de la dette souveraine en Europe et de la faible reprise économique aux États-Unis.

Il avait indiqué qu'il comptait réduire les dépenses de 1 milliard de dollars en 2012-2013, de 2 milliards en 2013-2014, de 4 milliards en 2014-2015 et de la même somme durant les deux exercices financiers suivants. Or, les compressions seront deux fois plus importantes.

Durant la dernière campagne électorale et même dans le dernier budget déposé en juin, les conservateurs avaient pourtant promis d'éliminer le déficit au plus tard en 2014-2015.

Ce report annoncé par le ministre Flaherty a provoqué une véritable levée de boucliers au sein du caucus conservateur, selon des informations obtenues par La Presse. Depuis lors, les députés multiplient les sorties aux réunions hebdomadaires pour réclamer des compressions plus draconiennes afin de rétablir leur crédibilité de bons gestionnaires des fonds des contribuables.

Les députés conservateurs jugent que le gouvernement Harper doit frapper fort dès le début de son premier mandat majoritaire.

«La décision de reporter d'un an l'élimination du déficit a été très mal reçue par le caucus. Nous avions promis de l'éliminer en 2014. Nous n'avons pas respecté notre promesse électorale. Il faut maintenant réduire beaucoup plus les dépenses. Nous n'avons pas le choix», a confirmé une source conservatrice digne de foi qui a requis l'anonymat.

Deux scénarios

En juin dernier, le premier ministre Stephen Harper a donné le mandat à tous les ministres de préparer deux plans de réduction de dépenses de leur ministère. Le premier devait contenir des compressions de 5% et le deuxième des réductions de 10%. Le scénario de réduction de 5% semblait être la voie que voulait emprunter le gouvernement avant que la crise de la dette souveraine et la faible reprise aux États-Unis ne fassent dérailler d'un an le plan d'élimination du déficit.

Les compressions sont actuellement revues par un comité du cabinet dirigé par le président du Conseil du Trésor, Tony Clement.

Signe indéniable de la détermination du gouvernement Harper à sabrer les dépenses, le ministère de la Défense s'est fait rabrouer par le comité du cabinet en proposant une réduction de dépenses de 4% seulement. «Nous avons rejeté leur scénario de compressions et nous leur avons demandé de refaire leur travail et de revenir avec des compressions de 10%», a confirmé une source conservatrice.

Selon nos informations, le chef de cabinet de Stephen Harper, Nigel Wright, a aussi organisé récemment une conférence téléphonique avec les chefs de cabinet de tous les ministres afin de les informer que les compressions de 10% étaient un objectif ferme.

«Nous sommes en début de mandat. C'est le moment idéal pour réduire les dépenses», a souligné un député conservateur.

Un autre député conservateur a indiqué que ses électeurs bouillent de colère de voir que le gouvernement a engrangé des déficits records au cours des dernières années, dont un déficit de 56 milliards en 2009-2010. En fait, le gouvernement Harper aura fait bondir la dette accumulée de 40% une fois que le déficit aura été éliminé en 2015-2016.

La dette accumulée passera en effet de 457 milliards en 2007-2008 à 640 milliards de dollars en 2015-2016, date à laquelle les conservateurs prévoient avoir rétabli l'équilibre budgétaire.