Le premier ministre aimerait bien revoir son portrait de la reine.

Voilà le résumé d'une note pressante envoyée par des représentants du premier ministre Stephen Harper au ministère des Affaires étrangères dirigé par John Baird, après les préparations frénétiques en prévision de la visite du prince William et de Kate en juin dernier.

Le gouvernement conservateur s'est mis en tête d'accrocher des portraits de la reine dans les bureaux fédéraux et dans les installations diplomatiques du Canada à l'étranger au cours de la dernière année, mais il semble qu'il n'y avait pas toujours assez de copies de la souveraine pour satisfaire à la demande.

Le bureau du premier ministre a dû organiser un prêt de dernière minute d'un tableau de la reine d'Angleterre situé dans une pièce des bureaux de M. Harper sur la Colline du Parlement pour ensuite l'accrocher dans l'entrée du bâtiment du ministère des Affaires étrangères, et ce tout juste avant l'arrivée du duc et de la duchesse de Cambridge en juin.

Des documents divulgués récemment - dont La Presse Canadienne a obtenu copie - indiquent clairement que cette copie était un prêt temporaire et que les employés du bureau du premier ministre étaient anxieux de la récupérer.

Des lettres et d'autres documents divulgués en vertu des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information racontent en détail le branle-bas de combat survenu ce mois-là lorsque le ministre des Affaires étrangères John Baird a soudainement ordonné qu'un portrait de la reine soit accroché dans le bâtiment Lester B. Pearson dans le centre-ville d'Ottawa.

La visite du prince William et de Kate a été annoncée pour la première fois par le gouvernement à la mi-février. Les responsables n'ont cependant eu que neuf jours pour décrocher deux tableaux du peintre québécois Alfred Pellan, les entreposer correctement, nettoyer le mur de façon professionnelle et accrocher le portrait avec de nouvelles plaques commémorant le «Mur de la souveraine».

Dans l'après-midi du 30 juin, le même jour où William et Kate arrivaient au Canada, les plaques de bronze n'étaient toujours pas arrivées.

Le retrait des deux peintures de Pellan, appelées «Canada Ouest Canada Est» ont suscité la grogne de certains employés des Affaires étrangères et soulevé l'ire au Québec. Des détracteurs ont décrié ce qu'ils considéraient comme du colonialisme.

Les deux tableaux colorés de Pellan présentant la Colombie-Britannique et les Maritimes avaient été commandées pour la première représentation diplomatique du Canada au Brésil en 1944, et ont été accrochés dans l'entrée du bâtiment Lester B. Pearson lors de son inauguration par la reine. Pellan est l'un des artistes pionniers de l'art moderne canadien, et un comté fédéral, ainsi que plusieurs lieux publics portent son nom au Québec.

Certaines personnes impliquées dans l'installation du portrait ne semblaient cependant pas connaître l'histoire des toiles, ou ne porter aucune attention aux tableaux déjà accrochés dans l'entrée du ministère.

«Pouvez-vous retirer les deux tableaux rouges immédiatement (nous déciderons ce qu'il faut en faire par la suite)...», a écrit un des employés de M. Baird.

Un autre fonctionnaire responsable de la logistique entourant le changement s'y réfère comme à deux «grandes oeuvres d'art autochtone».

Accrocher la représentation de la reine était clairement une priorité. L'opération a coûté 5900 $, en plus d'un montant non divulgué pour les plaques en bronze et la nouvelle photo de la reine qui serait éventuellement accrochée dans l'entrée. La qualité du travail semblait moins importante que l'empressement avec lequel il devait être effectué.

Des responsables ont souligné qu'une partie de l'emblème de la reine manquait, soit la couronne au-dessus de ses armoiries dorées commémoratives. Une plaque de laiton située sur le portrait et maintenue en place par un ruban adhésif est tombée durant l'opération.

Le ministre s'est montré réticent à l'idée d'un admirateur de la souveraine de trouver un véritable tableau de la reine, plutôt qu'une reproduction d'une photographie prise lors de son jubilé en 2002.

«Bien qu'il puisse sembler approprié de suggérer qu'un tableau à l'huile de Sa Majesté la reine devrait être accroché à la place de la photo pour mieux refléter la dignité et l'estime que nous éprouvons pour elle, il est important de comprendre que les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement du Canada gère l'argent des contribuables de façon efficace et s'assure que toutes les dépenses offrent un rendement correspondant au montant», a écrit M. Baird dans une lettre.

Ce qu'il est advenu des deux tableaux de Pellan est quelque peu mystérieux. Le ministère des Affaires étrangères n'a pas répondu aux questions concernant leur emplacement actuel, renvoyant La Presse Canadienne à des déclarations effectuées par le bureau de M. Baird en juillet dernier selon lesquelles un emplacement satisfaisant serait éventuellement trouvé pour les tableaux.

Moins d'un mois après que le portrait de la reine eut été accroché dans l'entrée du ministère, le bureau du premier ministre réclamait son bien.

«Je viens de parler avec Tyler Golden du bureau du premier ministre et il se demande quand ils pourront récupérer leur portrait de la reine, écrit un fonctionnaire. De ce qu'il comprend de la situation, le prêt du portrait n'était que pour la visite royale.»

Peu de temps après la dénomination du «Mur de la souveraine» au ministère des Affaires étrangères, toutes les représentations diplomatiques du Canada à l'étranger ont reçu la directive de s'assurer qu'ils avaient bien accroché les photos de la reine, du gouverneur général, du premier ministre et des autres ministres importants dans leurs entrées. La Ligue monarchiste du Canada a salué la réapparition de ces symboles de respect pour la souveraine.

Le gouvernement conservateur ne lésine pas pour célébrer le jubilé de diamant de la reine l'an prochain. Patrimoine canadien a payé 55 135 $ pour 500 000 drapeaux du jubilé de diamant que l'on agite de la main. La semaine dernière, le ministère a lancé un appel d'offres pour 2250 drapeaux de pleine grandeur pour un coût qu'il n'a pas encore été déterminé.