Le gouvernement Harper tenait à une fin rapide et victorieuse de la mission des soldats canadiens en Libye. À preuve, l'ancien ministre des Affaires étrangères Lawrence Cannon a personnellement donné le feu vert à la vente d'un drone fabriqué par une entreprise canadienne aux insurgés libyens en avril.

En tant que ministre des Affaires étrangères, M. Cannon avait l'obligation d'autoriser la vente d'un tel équipement militaire aux insurgés libyens étant donné que le Conseil de sécurité des Nations unies avait adopté une résolution, le 26 février, interdisant la vente d'armes ou l'attribution d'aide militaire à la Libye.

Le gouvernement Harper a vu une porte s'entrebâiller quand le Conseil de sécurité a adopté une autre résolution, le 17 mars, autorisant les États membres «à prendre toutes mesures nécessaires [...] pour protéger les populations et les zones civiles menacées d'attaque» par les forces libyennes.

Les pays qui désiraient «prendre des mesures» devaient aviser au préalable le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon.

Toutefois, l'OTAN, qui a mené l'offensive en Libye avec la bénédiction de l'ONU, était divisée sur l'interprétation à donner à cette résolution.

Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France estimaient que cette résolution permettait l'exportation d'armes ou d'équipement militaire aux insurgés.

Mais la Russie, la Norvège et la Belgique ont rejeté cette interprétation, tout comme le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, qui estimait que la mission de l'OTAN en Libye consistait à «protéger la population, et non pas à lui fournir des armes».

Du côté des alliés

De toute évidence, le Canada s'est résolument rangé du côté de ses plus fidèles alliés en donnant le feu vert à l'exportation du drone, démontrent des documents que La Presse a obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

«Il y a des arguments valides selon lesquels l'envoi d'armes ou d'une aide à l'opposition libyenne est conforme à la résolution 1973 qui autorise les États à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la population civile», peut-on lire dans des notes transmises à l'ancien ministre Cannon.

Le 11 avril, M. Cannon a ainsi signé les documents autorisant l'entreprise de Waterloo Aeryon Labs à vendre cet équipement à la société d'Ottawa Zariba Security Corporation. Celle-ci s'est ensuite chargée de remettre le drone aux insurgés libyens et de leur donner la formation nécessaire pour l'utiliser contre les troupes du dictateur Mouammar Kadhafi.

C'est le Conseil national de transition qui a entrepris les démarches auprès d'Aeryon Labs, peu de temps après le début du soulèvement, pour acheter le fameux drone, un miniavion robotisé de 80 cm de diamètre et d'un poids de 1,5 kg qui permet d'espionner les forces ennemies grâce à une caméra haute résolution.

Selon un expert des Nations unies qui a requis l'anonymat, il est plutôt rare que le gouvernement canadien autorise la vente d'équipement militaire de la sorte. Il a soutenu que le gouvernement doit accorder cette autorisation avec parcimonie, «comme il le fait dans le cas de l'utilisation de la disposition de dérogation».

Il a été impossible, hier, de savoir si le gouvernement Harper avait autorisé la vente d'autres équipements militaires aux insurgés libyens pendant la mission qui a duré sept mois.

Un précédent inquiétant, dit le NPD

La critique du Nouveau Parti démocratique en matière d'affaires étrangères, Hélène Laverdière, estime que la décision de l'ancien ministre Cannon crée un précédent inquiétant. Elle a aussi affirmé que cela outrepassait le mandat des Nations unies qui «disait clairement qu'il fallait protéger les civils».

«Cela crée un précédent. On connaît le penchant de ce gouvernement pour la méthode forte. En matière d'affaires étrangères, le premier instinct de ce gouvernement est de favoriser une intervention militaire alors que la grande tradition de la diplomatie canadienne, c'est justement d'utiliser la diplomatie», a dit Mme Laverdière.

Dans le cadre de la mission de l'OTAN en Libye, le Canada a déployé 650 militaires, sept avions de chasse CF-18, deux ravitailleurs, une frégate et des aéronefs de patrouille maritime.

Hier, le premier ministre Stephen Harper et le gouverneur général David Johnston ont rendu hommage, sur la colline parlementaire, aux militaires canadiens qui ont participé à cette mission. M. Johnston a remis la Croix du service méritoire au lieutenant-général Charles Bouchard, qui a dirigé les forces de l'OTAN en Libye durant cette mission.- Avec la collaboration de William Leclerc