Québec lance une nouvelle offensive contre le projet de loi conservateur sur la justice criminelle (C-10). Il propose à Ottawa des amendements afin de préserver le modèle québécois de réhabilitation des jeunes contrevenants.

C'est «hors de l'ordinaire» que Québec entreprenne une telle démarche auprès d'Ottawa, a fait valoir hier le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, au moment où les Communes entamaient l'étude détaillée de C-10. Il a écrit à ses homologues des autres provinces, à tous les sénateurs et députés fédéraux afin de les informer de ses amendements. Il n'a toujours pas pu s'entretenir avec son homologue fédéral, Rob Nicholson. Le ministre conservateur n'a pas donné suite à l'invitation de M. Fournier lancée il y a plus d'un mois.

Québec veut que la notion de «protection durable du public» soit maintenue dans la Loi sur le système pénal pour les adolescents. Le projet de loi C-10 élimine cette notion. Il tient compte essentiellement de la «protection immédiate» du public, ce qui amènera les tribunaux à privilégier l'imposition de mesures à court terme, la garde fermée, et à négliger la réhabilitation, a plaidé Jean-Marc Fournier.

«L'emprisonnement assure la protection immédiate, mais l'emprisonnement a ses limites. Lorsque la peine se termine, le délinquant retourne dans la société. Sans mesure de rééducation et sans l'apprentissage de nouveaux comportements, les risques de récidive sont élevés», a-t-il expliqué. La protection immédiate risque selon lui de se transformer en «protection temporaire, ce qui ne peut que favoriser la récidive et multiplier le nombre de victimes».

Il précise dans sa lettre que «la notion durable a une portée fondamentale dans le traitement quotidien de la délinquance juvénile: elle oblige expressément tous les intervenants du système judiciaire à mettre en oeuvre les moyens qui doivent être pris à court, moyen et long terme pour assurer la protection du public et amener l'adolescent en cause à adopter des comportements sociaux appropriés. C'est cette notion qui impose une réflexion sur la façon de détenir, rééduquer, réadapter et réinsérer l'adolescent dans la collectivité».

Autres amendements

Québec propose un autre amendement pour «éviter un affaiblissement de la notion de réadaptation et de réinsertion des adolescents». Il souhaite que le projet de loi prévoie de «favoriser» - et pas seulement d'«encourager» - la réadaptation et la réinsertion.

Enfin, Québec propose que toute province puisse par décret se soustraire à une disposition de C-10 qui a pour but de faciliter la publication de l'identité de l'adolescent ayant été déclaré coupable d'un crime avec violence. «Le Québec a toujours considéré que le fait de révéler l'identité d'un adolescent contribue à sa stigmatisation et peut nuire à la capacité de son entourage à lui apporter de l'aide, et c'est ce qu'a reconnu la Cour suprême. [...] Nous mettons en péril la capacité de réinsertion des jeunes contrevenants», a-t-il plaidé.

Québec présentera bientôt d'autres amendements, cette fois concernant les peines pour adultes.

Le 1er novembre, devant le comité parlementaire de la justice à Ottawa, le ministre Fournier avait indiqué que Québec refuserait de payer les coûts supplémentaires qu'entraînera l'adoption du projet de loi. C-10 prévoit un durcissement de la justice criminelle, ce qui augmentera l'incarcération.