Les partis de l'opposition ne sont plus seuls à contester la nomination de l'anglophone unilingue Michael Ferguson comme vérificateur général. Cette décision controversée du premier ministre Stephen Harper ne fait plus l'unanimité au sein de son propre parti.

Un vote du Sénat qui devait confirmer la nomination de M. Ferguson a été annulé, hier après-midi, parce que le Parti libéral l'a boycotté. Mais si ce vote avait eu lieu, il aurait donné lieu à une surprise de taille : le sénateur conservateur de Montréal Léo Housakos a confirmé à La Presse qu'il s'apprêtait à s'opposer à la décision de son propre gouvernement.

En entrevue, hier, M. Housakos a affirmé que le Canada est un pays bilingue et que le gouvernement fédéral a l'obligation de nommer des candidats qui maîtrisent les deux langues officielles à des postes importants au sein de l'appareil gouvernemental. Agir autrement constitue un manque de respect, selon lui, envers l'un des peuples fondateurs, les Québécois et les francophones.

« Qu'on nomme un vérificateur général qui ne parle pas français est épouvantable. Je n'ai rien contre le monsieur, mais c'est une question de principe. Un officier du Parlement doit à mon avis être bilingue. Ce n'est pas plus compliqué que cela », a dit M. Housakos.

« C'est un symbole important. Le vérificateur général va s'adresser à la population de temps à autre. S'il n'est pas capable de communiquer avec un tiers de la population, c'est inacceptable », a-t-il ajouté.

« J'ai mis beaucoup d'efforts dans ma vie pour apprendre la langue française. Je suis une minorité au Québec, une ethnie anglophone qui a toujours compris qu'au Canada, il y a deux peuples fondateurs et deux langues officielles. Il faut respecter cette réalité. Le bilinguisme est fondamental au Canada », a affirmé le sénateur.

Cette sortie de M. Housakos, membre influent du parti au Québec qui a été nommé au Sénat par Stephen Harper en décembre 2008, confirme que la nomination de M. Ferguson a provoqué un malaise certain au sein du caucus conservateur.

Mais parmi les troupes conservatrices du Québec, M. Housakos a été le seul jusqu'ici à exprimer publiquement ses réticences et à annoncer avoir l'intention de voter contre la nomination de M. Ferguson, qui a déjà été vérificateur général du Nouveau-Brunswick, seule province officiellement bilingue.

En matinée, le Parlement a avalisé la candidature de M. Ferguson dans la controverse. Les 153 députés conservateurs ont voté en faveur de cette nomination, et les 94 députés du Nouveau Parti démocratique, du Bloc québécois et du Parti vert ont voté contre. Le Parti libéral a déserté la Chambre au moment du vote en guise de protestation.

Le chef libéral Bob Rae a écrit au premier ministre quelques heures plus tôt, lui demandant de reprendre le processus de recrutement à zéro. N'obtenant pas satisfaction, son parti a tout bonnement boycotté la Chambre.

« Cette question des langues officielles est primordiale pour notre parti, a-t-il déclaré. Pour nous, c'est une question de notre identité comme Canadiens et de nos droits comme Canadiens. Et franchement, nous refusons d'accepter [la nomination de M. Ferguson]. »

Le PLC promet de continuer la bataille contre le choix de M. Ferguson. Il dit avoir consulté trois avocats sur la question, et songe à s'adresser aux tribunaux pour faire casser la nomination.

Le néo-démocrate Yvon Godin, député d'Acadie-Bathurst, estime pour sa part que Michael Ferguson devrait penser à renoncer au poste.

Aux Communes, le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, a défendu la décision du gouvernement. « Nous ne croyons pas que les Canadiens qui ne maîtrisent pas parfaitement les deux langues officielles devraient être exclus de servir leur pays », a dit le ministre.