Aucun candidat ne respectait tous les critères de l'offre d'emploi pour le poste de vérificateur général, ont affirmé mardi les hauts fonctionnaires impliqués dans le processus de sélection pour justifier le choix par le gouvernement conservateur d'un unilingue anglophone.

Et c'est le critère du bilinguisme qui a été mis de côté, même s'il était clairement spécifié dans l'affichage du poste, ont déploré les sénateurs libéraux mardi, alors que témoignaient au Sénat la sous-secrétaire du cabinet au bureau du Conseil privé, Patricia Hassard, et la secrétaire du Conseil du trésor, Michelle d'Auray.

Le choix de Michael Ferguson comme vérificateur général fait des vagues à Ottawa depuis la semaine dernière et est dénoncé par l'opposition, qui estime que cela démontre un manque de respect envers la population francophone du pays.

Le Sénat a convoqué les deux fonctionnaires mardi à l'initiative de ses membres libéraux, afin de faire la lumière sur le processus de sélection du vérificateur. Ils voulaient aussi tenter de déterminer pourquoi le comité de sélection a passé outre le fait que M. Ferguson ne maîtrise pas le français et s'est lui-même dit incapable de soutenir une conversation dans cette langue.

Le bilinguisme semblait pourtant loin d'être essentiel dans la tête du comité de sélection, même si Mme Hassard a affirmé que tous les critères de l'offre d'emploi étaient «également importants».

L'exigence du bilinguisme aurait été inscrite dans l'affichage du poste, puisqu'elle s'y trouvait lors du recrutement de l'ex-vérificatrice générale Sheila Fraser et qu'on avait alors jugé qu'il s'agissait d'un «critère raisonnable».

Le sénateur James Cowan a fait valoir que quand le bilinguisme n'est pas essentiel pour un emploi au gouvernement, l'offre indique simplement que le bilinguisme est «souhaité» ou considéré comme «un atout».

Les deux fonctionnaires ont affirmé que sur leur courte liste de trois candidats - après des contacts auprès de quelque 400 personnes -, un seul maîtrisait les deux langues officielles du pays. Mais elles n'ont pas précisé combien de personnes étaient bilingues sur la première liste qui comprenait les 30 meilleurs candidats.

M. Ferguson était celui qui répondait au plus grand nombre de critères, ont-elles soutenu.

«Il n'y a aucun candidat qui remplissait 100 pour cent des critères. On a regardé la capacité globale», a indiqué Mme Hassard.

Elle a souligné que ce poste exigeait des «compétences uniques» et que le fait que M. Ferguson se soit engagé à apprendre le français rapidement «avait lourdement pesé dans la balance».

Mme Hassard a ajouté que la personne choisie devait s'engager «au sommet de sa carrière» pour un mandat de 10 ans et avoir une présence publique constante, tout en étant payée bien en deçà de ce qu'elle pourrait obtenir dans le secteur privé.

Mmes Hassard et d'Auray ont nié toute interférence du gouvernement dans le processus de sélection.

Les sénateurs libéraux ont toutefois fait passer un interrogatoire en règle aux deux témoins.

Le sénateur Serge Joyal a déclaré que M. Ferguson ne respectait pas les critères du poste de vérificateur et a même accusé les deux fonctionnaires d'être en violation de la Loi sur les langues officielles et des pratiques de la fonction publique.

M. Joyal leur a dit qu'elles avaient abandonné leurs obligations juridiques en échange d'un simple engagement de la part de M. Ferguson d'apprendre le français.

«Vous ne pouvez pas faire ce que vous voulez!», les a-t-il sermonnées.

Le bureau du vérificateur général est soumis à la Loi sur les langues officielles, a ajouté M. Joyal. Les institutions y sont soumises, mais pas les agents du Parlement, a répliqué Mme d'Auray, tout en précisant que le vérificateur n'est pas non plus un fonctionnaire.

Quant à Michael Ferguson, il s'est fait griller pour une deuxième journée de suite au sujet de son unilinguisme, après son passage lundi devant un comité des Communes.

La sénatrice Claudette Tardif lui a même demandé s'il allait démissionner dans un an s'il ne maîtrisait pas le français aussi bien qu'il l'a promis. M. Ferguson a évité de répondre à cette question.

«Comment allez-vous respecter les règles (de la fonction de vérificateur) à la lettre si vous êtes arrivé en poste sans respecter les règles?», a lancé avec fougue le sénateur libéral Dennis Dawson.

M. Ferguson s'est engagé à retrouver les résultats qu'il a obtenus aux examens de français qu'il a dû passer pour le poste.

Soutenant le candidat retenu par Stephen Harper, les sénateurs conservateurs ont accueilli avec satisfaction sa promesse d'apprendre le français aussi rapidement que possible, allant même jusqu'à l'applaudir.

Le sénateur albertain Bert Brown a sorti des billets de banque de ses poches et les a brandis au candidat, en lui demandant s'il savait compter de l'argent et si les symboles numériques étaient les mêmes dans les deux langues, voulant ainsi montrer qu'il pouvait bien faire son travail - celui de contrôler les dépenses de l'État - sans savoir parler le français. M. Brown a noté au passage que les billets étaient rédigés dans les deux langues officielles.