Le premier ministre Stephen Harper estime que son gouvernement conservateur a contribué à la déroute du Bloc québécois au dernier scrutin en respectant scrupuleusement les compétences des provinces depuis son arrivée au pouvoir, en 2006.

Selon le premier ministre, les nombreuses disputes entre Québec et Ottawa résultant des ambitions des gouvernements libéraux précédents d'intervenir dans des domaines relevant de la compétence des provinces ont donné des munitions au Bloc québécois par le passé.

Mais depuis cinq ans, le gouvernement Harper s'est employé à s'acquitter d'abord de ses responsabilités et s'est abstenu de s'immiscer dans les compétences des provinces.

Résultat: les frictions entre Ottawa et Québec auxquelles s'abreuvait le Bloc québécois ont disparu au fil des ans et les troupes de Gilles Duceppe ont été réduites à seulement quatre sièges à la Chambre des communes.

«Je pense que la chute du Bloc québécois est en partie attribuable à notre façon de gouverner. Nous avons éliminé les ingérences dans les champs de compétence des provinces. Nous faisons des choses qui respectent la Constitution canadienne et qui respectent les priorités des régions, même dans les régions où nous n'avons pas la majorité des sièges», a affirmé M. Harper dans une entrevue exclusive accordée à La Presse.

«Évidemment, je suis déçu que le Nouveau Parti démocratique ait été récompensé [aux élections du 2 mai] pour nos efforts, mais nous avons encore du travail à faire», a ajouté le premier ministre, qui croit que son parti pourra faire des gains aux prochaines élections.

Pendant près de deux décennies, le Bloc québécois a régné en maître au Québec en remportant la majorité des 75 sièges à chacune des élections. Mais au scrutin du 2 mai, le NPD a damé le pion au parti souverainiste en faisant élire 59 députés - un score sans précédent au Québec pour les néo-démocrates. Le Parti libéral est arrivé loin derrière, en remportant sept sièges, le Parti conservateur troisième avec cinq sièges et le Bloc québécois bon dernier avec quatre sièges seulement. Même le chef bloquiste Gilles Duceppe a perdu son siège.

En vertu de la crise qui sévit maintenant au sein du mouvement souverainiste au Québec, le pays connaît une certaine paix sur le front de l'unité nationale. Même si son parti n'a remporté que cinq sièges au dernier scrutin au Québec et que les conservateurs ont malgré tout obtenu une majorité à la Chambre des communes grâce à des gains en Ontario, Stephen Harper souligne qu'il n'a pas tourné le dos à la province, malgré les sombres prédictions de certains.

À preuve, a-t-il dit, son gouvernement a réglé, comme promis, l'épineux dossier de la compensation de 2,2 milliards de dollars que réclamait le Québec pour avoir harmonisé la TVQ à la TPS dans les années 90. Il a aussi annoncé la construction d'un nouveau pont Champlain à Montréal, même si son parti n'avait pas fait de promesse électorale à cet égard.

«Je suis le premier de tous les Canadiens, y compris de tous les Québécois. Évidemment, je suis déçu des résultats des élections. Mais si nous voulons garder notre objectif de devenir le parti naturel qui gouverne le pays, on doit gouverner pour tout le monde. On ne peut pas faire une croix sur une province, surtout une province majeure», a dit le premier ministre.

Dans ses deux premiers mandats minoritaires, le gouvernement conservateur a réglé le déséquilibre fiscal qui existait entre Ottawa et les provinces, reconnu le Québec comme une nation au sein d'un Canada uni et accordé un siège au Québec au sein de la délégation canadienne à l'UNESCO.

Dans une entrevue qu'il avait accordée à La Presse en novembre 2004 lorsqu'il était chef de l'opposition officielle, M. Harper avait affirmé que son objectif était de faire du Parti conservateur le «parti naturel du gouvernement» du siècle qui s'amorce et remplacer le Parti libéral à ce chapitre.

A-t-il atteint son objectif après avoir remporté trois victoires de suite et relégué le Parti libéral à seulement 34 sièges aux Communes? Stephen Harper se garde bien de dire mission accomplie.

«Non, ce n'est pas encore le cas. Nous avons fait beaucoup de progrès à l'égard de cet objectif. Mais un gouvernement majoritaire, ce n'est pas la même chose. Évidemment, nous avons établi une base électorale substantielle dans le pays. Nous avons une base électorale plus élevée au Québec que par le passé. Mais ce n'est pas suffisant pour dire que nous avons atteint notre objectif. Nous avons encore beaucoup de travail à faire pour gagner la confiance de plus de Québécois et vraiment consolider nos gains hors Québec», a-t-il dit.