Le ministère de la Justice du Canada ne lésine pas sur les dépenses en technologies de l'information depuis l'implantation de son site internet. Il y a engouffré près de 73 millions de dollars de fonds publics depuis son lancement, contre à peine 446 000 $ au ministère de la Sécurité publique, a appris La Presse.



Le ministère fédéral de la Justice a fourni, en réponse à une demande d'accès à l'information, un dossier de 1845 pages récapitulant sous forme de tableaux «toutes les dépenses liées au site web» depuis 1998 pour un total de 72,845 millions de dollars.

Il s'agit de versement de salaires, d'achat de matériel (ordinateurs, routeurs, disques externes, etc.), de logiciels et de licences, de paiement de factures de cellulaires et BlackBerry, etc.

Il n'y a toutefois pas vraiment de détails, par exemple, sur la nature des prestations fournies. On remarque aussi que beaucoup de pages sont censurées de manière à ne pas laisser apparaître la nature des dépenses ni le bénéficiaire des fonds.

Justification

Dans un courriel adressé à La Presse, la porte-parole du Ministère explique ainsi l'importance de la somme dépensée: «L'information que vous avez reçue porte sur l'ensemble des dépenses en technologies de l'information engagées par Justice Canada depuis 1998, écrit Carole Saindon, conseillère principale. Ces dépenses comprennent, mais sans s'y limiter, tous les contrats de service et tout le matériel informatique pour l'administration centrale et tous les bureaux régionaux.»

À l'autre bout du spectre, toujours selon des documents envoyés à La Presse, en réponse à une question similaire à celle posée à Justice Canada, le plus économe semble être le ministère de la Sécurité publique. Il a consacré environ 446 000$, entre 2004 et 2011, à son site internet, dont son design. Au ministère de l'Industrie, la dépense a atteint 10,5 millions entre 1998 et 2011.

Dans le cas du ministère de la Justice, l'ampleur des coûts a d'autant plus de quoi surprendre qu'il ne s'agit pas d'un site transactionnel, ce qui nécessiterait alors des solutions coûteuses pour la gestion des commandes et des paiements.

La faute des libéraux

Des constats que le cabinet du ministre Rob Nicholson n'a pas voulu expliquer ni commenter.

On s'est plutôt borné à jeter le blâme sur les prédécesseurs libéraux: «Comme vous le constaterez dans la ventilation annuelle des dépenses, nous écrit dans un courriel son attachée de presse, Pamela Stephens, il est important de souligner que, depuis son arrivée au pouvoir, notre gouvernement conservateur a considérablement réduit les dépenses à ce chapitre, qui ne représentent que 11 millions de dollars du montant total. Notre engagement envers les Canadiens est de gérer l'argent des contribuables durement gagné de façon responsable et prudente.»

En 2004, la Monnaie royale canadienne avait suscité la controverse après avoir dépensé près de 1,7 million de dollars en trois ans pour son site transactionnel. Il s'agissait d'une somme 125 fois inférieure à celle engloutie par Justice Canada. À l'époque, la Monnaie royale avait répliqué que ces investissements avaient été amortis en un an grâce à une augmentation significative des ventes en ligne.

«Gaspillage»

Au début du mois d'août, la ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux, Rona Ambrose, a annoncé plusieurs mesures de «rationalisation et d'économies dans les services de technologies de l'information» du gouvernement.

L'objectif avoué est d'économiser entre 100 et 200 millions de dollars tout en diminuant la vulnérabilité éventuelle de son réseau aux pannes et cyberattaques.

La ministre avait alors donné plusieurs exemples représentatifs du «gaspillage» qui régnerait dans ce domaine au sein de la fonction publique fédérale. Par exemple, il y a plus de 100 systèmes de courrier, 300 centres de données et 3000 réseaux électroniques différents.

À Montréal, au complexe Guy-Favreau, on dénombre neuf réseaux différents. À terme, le gouvernement ne veut plus qu'un système de courrier électronique et, au maximum, 20 centres de données.

- Avec la collaboration de William Leclerc