Pas de temps pour les débats. Le gouvernement conservateur accélère l'étude de sa loi omnibus durcissant le Code criminel et rejette l'idée de la scinder en morceaux sous prétexte que ce n'est pas ce que «veulent les Canadiens».

Faisant valoir leur majorité aux Communes, les troupes de Stephen Harper ont voté pour que le débat en deuxième lecture du projet de loi ne dure que deux jours.

L'opposition néo-démocrate, qui s'attend à une pareille manoeuvre à l'étape du comité parlementaire, a dénoncé cette «guillotine».

«C'est une démarche extrême dans un Parlement, au terme d'un long débat. Le Parlement vient à peine de commencer», s'est offusqué le leader parlementaire du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair.

Les conservateurs avaient promis, durant la campagne électorale, que leurs engagements majeurs en termes de loi et ordre deviendraient lois en moins de 100 jours.

Certains aspects de la loi omnibus déposée la semaine dernière recevraient vraisemblablement l'appui de l'ensemble des partis, notamment celui d'accroître les peines minimales sur des infractions d'ordre sexuel sur des enfants.

D'autres points sont bien plus litigieux. L'imposition de nouvelles peines minimales pour les crimes liés à la drogue, dont celui de posséder six plants de marijuana ou plus, est loin de faire l'unanimité, tant dans l'opposition que chez les criminologues.

Le NPD propose donc au gouvernement de scinder le projet de loi omnibus, d'en faire adopter rapidement certains articles, mais de prendre le temps d'en étudier plus longuement d'autres, comme ceux portant sur le trafic de la drogue.

«Le gouvernement accepterait-il cette stratégie?», a demandé en Chambre le porte-parole en matière de justice, Joe Comartin.

Le ministre de la Justice Rob Nicholson a brusquement fermé la porte.

«Il demande à ce que nous laissions de côté la partie (de la loi) qui pourchasse les trafiquants de drogue, ces gens qui amènent la drogue dans notre pays, ces gens qui vendent de la drogue près des écoles», a lancé le ministre.

«Personne ne va accepter ça. Faisons passer tout le truc. C'est ce que les Canadiens veulent», a conclu M. Nicholson.

Mais pour le chef libéral Bob Rae, ce n'est pas parce que les conservateurs ont obtenu une majorité de sièges aux Communes qu'ils ont le mandat de faire ce qu'ils souhaitent.

«Le gouvernement a gagné - quoi - moins de 25 pour cent des votes de ceux qui étaient capables de voter. Et ils tournent ça dans un mandat pour faire n'importe quoi», a-t-il déploré à la sortie de la période de questions.

Étude de Kevin Page

L'opposition reproche par ailleurs au gouvernement de ne pas donner d'étude chiffrée des coûts des modifications proposées par sa loi.

«On sait que ça va comporter une dépense massive pour les provinces. Les conservateurs ne veulent pas qu'on ait les vrais chiffres», a accusé M. Mulcair.

Voilà pourquoi le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, a confirmé qu'il se penchait actuellement sur le sujet. Le chien de garde du gouvernement en ce qui a trait aux finances a indiqué en entrevue avoir déjà commencé à plancher sur le dossier. Mais devant l'empressement du gouvernement à faire adopter cette loi, il faudra faire vite.

«Soixante jours seraient le temps minimum pour nous permettre de faire une analyse des aspects les plus importants du projet de loi omnibus», a indiqué M. Page à la Presse Canadienne.

Si le temps pressait, il pourrait malgré tout raccourcir son échéancier afin que les députés aient une estimation approximative des coûts avant le vote final sur le projet de loi.

Selon Joe Comartin, la seule façon de faire plier le gouvernement serait d'impliquer davantage les provinces, puisque ce sont elles qui opèrent les prisons dont les détenus ont hérité de peines inférieures à deux ans.

«Si on pouvait voir les provinces se lever et dire : »on ne peut tout simplement pas se permettre financièrement d'avoir tant de gens dans nos prisons provinciales«», les choses se passeraient peut-être différemment, croit-il.

Le gouvernement refuse de faire davantage d'études sur le projet de loi, affirmant que toutes ses composantes ont déjà été étudiées longuement dans les derniers Parlements, alors que les conservateurs étaient minoritaires.