Au lendemain de la rentrée parlementaire à Ottawa, le gouvernement conservateur a déposé mardi matin son projet de loi omnibus sur la criminalité qui reprend neuf réformes législatives bloquées par l'opposition lors de son règne minoritaire. Les nouvelles mesures, qui visent entre autres à durcir les peines des trafiquants de drogue, des prédateurs sexuels et des jeunes contrevenants violents coûteront environ 2,7 milliards $ aux contribuables canadiens au cours des cinq prochaines années, a déclaré le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu.

Le projet de loi C-10, baptisé «loi sur la sécurité des rues et des communautés», a été présenté aujourd'hui à Montréal par M. Boisvenu et le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews. Après une déclaration de quelques minutes en anglais, le ministre Toews a quitté la conférence de presse au milieu de la période des questions et a refusé de répondre aux interrogations des journalistes qui l'on talonné jusqu'à la sortie.

C'est donc M. Boisvenu qui terminé la conférence de presse. Ce dernier a expliqué que la mise en oeuvre des réformes coûterait 2,7 milliards $ en raison de «la mise aux normes» des équipements pénitenciers du Québec, l'augmentation anticipée du nombre de criminels incarcérés après l'entrée en vigueur de la loi et parce que le gouvernement doit «répondre aux normes de plus en plus exigeantes» pour améliorer «le confort» des criminels en prison.

Rappelons que les dernières élections fédérales ont été déclenchées après que le gouvernement Harper a été trouvé coupable d'outrage au Parlement, notamment pour avoir refusé de fournir aux parlementaires les coûts de ses différents projets de loi en matière de criminalité.

Criminalité en baisse depuis dix ans

Une fois adopté, la «loi sur la sécurité des rues et des communautés» permettra aux procureurs de la couronne de demander des peines d'adultes aux jeunes contrevenants trouvés coupables de crimes graves (meurtre, tentative de meurtre, homicide involontaire et agression sexuelle grave). Les provinces et territoires auront cependant la discrétion de fixer l'âge d'application de cette mesure. Elle mettra également fin à la détention à domicile des contrevenants violents et dangereux et l'abolition du pardon judiciaire en cas de crimes graves.

Le taux de criminalité est en baisse constante au Canada depuis dix ans. Entre 1999 et 2009, les crimes signalés à la police ont chuté de 17%. Les crimes violents sont également en baisse année après année, mais dans une moindre mesure. Selon Statistiques Canada, en 2011, le taux de crime au pays était à son niveau le plus faible depuis 1973.

Le ministre de la Justice, Rob Nicholson, qui a tenu une conférence de presse simultanément mardi, à Brampton, en Ontario a été appelé à commenter la contradiction entre la baisse de la criminalité et le durcissement des lois en matière de criminalité.

«Nous ne gouvernons pas sur la base des dernières statistiques», a-t-il déclaré. «Nous gouvernons selon le principe que nous devons protéger les victimes et les Canadiens respectueux de la loi.»

L'opposition mécontente

À Ottawa, les partis de l'opposition ont juré de s'opposer au passage en vitesse de ce projet de loi, sans avoir le temps de l'étudier de manière appropriée.

«Ce projet de loi nécessite plusieurs amendements. Nous allons travailler très fort avec les libéraux pour les étudier en comité, entendre des témoins et convaincre les membres de faire les changements qui s'imposent», a déclaré le critique néo-démocrate en matière de Justice, Joe Comartin.

Comme ça avait été le cas avant le déclenchement des dernières élections, l'opposition a dénoncé l'absence d'une évaluation formelle et publique du coût de ces mesures, dont une portion importante serait défrayée par les provinces.

«Croyons-nous vraiment que c'est le temps, avec les problèmes que nous avons au Canada, de dépenser des centaines de millions de dollars pour envoyer des jeunes en prisons parce qu'ils ont six plants de marijuana chez eux? C'est vraiment stupide. Ça n'a aucun sens », s'est insurgé le leader du parti libéral Bob Rae.

Du côté du Bloc Québécois, la porte-parole en matière de justice, Maria Mourani, a critiqué l'approche du gouvernement qui vise la répression plutôt que la réhabilitation, ce qui va «à l'encontre du modèle québécois».

«Le gouvernement Harper a usé d'une vieille tactique qui lui est chère: déposer un projet de loi comportant plusieurs mesures législatives, dont certaines sont intéressantes afin de faire passer des mesures controversées, mauvaises et inefficaces. Par exemple, celles concernant le durcissement des peines pour les infractions de nature sexuelle à l'égard des enfants et la réforme des libérations conditionnelles semblent être des dispositions prometteuses, mais elles sont noyées dans un projet de loi qui comporte trop de mesures inacceptables», a-t-elle déclaré.

- Avec la collaboration de Hugo De Grandpré