Le Bloc québécois a-t-il un avenir à Ottawa? La question se pose avec plus d'acuité que jamais à la suite de la décision de trois poids lourds du parti de ne pas briguer la direction de la formation souverainiste.

Sans chef depuis la cinglante défaite subie aux élections fédérales du 2 mai, le Bloc québécois est loin d'être au bout de ses peines. Aucun candidat ne s'est manifesté jusqu'ici pour prendre la relève de Gilles Duceppe, qui a démissionné le soir des élections, ayant lui aussi mordu la poussière dans sa circonscription de Laurier-Sainte-Marie.

Après Daniel Paillé et Pierre Paquette - deux figures importantes au sein du Bloc qui nourrissaient des ambitions avant la dégelée du 2 mai -, voilà que Bernard Bigras écarte à son tour l'idée de se lancer dans la course.

«Le fait de ne pas avoir été élu change la donne. Le travail de reconstruction sera important. [...] Je trouvais difficile de demander la confiance des militants sans avoir celle des électeurs et sans pouvoir porter le message à Ottawa», a affirmé M. Bigras dans un entretien au quotidien Le Devoir publié hier.

La semaine dernière, Pierre Paquette avait causé une certaine surprise en annonçant son désistement. Il avait pourtant exprimé son intention d'être sur les rangs peu de temps après les élections. «J'ai fait ma consultation auprès des membres cet été, et je ne sens aucun appétit pour une course cet automne ou même cet hiver.»

Daniel Paillé a pour sa part indiqué avant la Saint-Jean-Baptiste qu'il faisait une croix sur sa carrière politique à Ottawa.

Pour Jean-Herman Guay, professeur à l'Université de Sherbrooke, la décision de ces trois anciens députés de ne pas briguer la direction du Bloc indique que celui-ci n'a pas un avenir prometteur.

«Quand on met les trois ensemble, c'est révélateur. Ils ont conclu qu'il n'y avait pas grand-chose à faire avec cela [le Bloc québécois]. Quand trois personnalités qui sont relativement connues [...] en arrivent à la même conclusion, cela annonce la fin d'un parcours. La question devient comment mourir», a affirmé hier le politologue dans une entrevue à La Presse.

Après avoir régné en maître pendant près de deux décennies au Québec, remportant la majorité des sièges que compte la province aux Communes à chacune des élections, le Bloc québécois n'a remporté que quatre sièges au dernier scrutin.

Début de la course le 18 septembre

Officiellement, la course à la succession de Gilles Duceppe doit commencer le 18 septembre, soit après que le conseil général du parti aura adopté les modalités de la course. Le nouveau chef doit être choisi le 11 décembre.

Pour l'heure, il semble que seul le nouveau député de Haute-Gaspésie-La Mitis-Matane-Matapédia, Jean-François Fortin, réfléchisse à cette possibilité. Mais celui-ci demeure une figure inconnue des Québécois.

Devant le peu d'intérêt que suscite la direction du Bloc, plusieurs croient qu'il serait opportun de reporter la course à l'an prochain afin de permettre aux militants de réfléchir aux causes de la défaite du 2 mai.

Mais selon Jean-Herman Guay, la décision du gouvernement Harper de mettre la hache dans les subventions aux partis politiques d'ici trois ans compromet aussi les chances de survie du Bloc québécois. Sans compter que, sur la scène provinciale, le mouvement souverainiste se fractionne de plus en plus.

«Pour ceux qui veulent refonder le mouvement souverainiste, c'est certain que le Bloc est une perte de temps. L'important, c'est de sauver les meubles à Québec et non pas de reconstruire un parti à Ottawa», a dit M. Guay, convaincu que le Bloc est condamné à mettre fin à ses activités «à court ou moyen terme».

Mais la présidente par intérim du parti, Vivian Barbot, minimise l'importance des désistements des dernières semaines. Selon elle, des candidats se manifesteront une fois que les règles de la course auront été établies. Elle a aussi affirmé que les militants croient toujours en la pertinence du Bloc à Ottawa.