Les allégations selon lesquelles le Montréalais Abousfian Abdelrazik aurait comploté en 2000 pour faire exploser un avion visent à faire dérailler son combat pour retirer son nom de la liste des terroristes de l'ONU, a soutenu son avocat, vendredi.

Le quotidien La Presse rapportait vendredi avoir obtenu des documents du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) qui allèguent que Adil Charkaoui et Abousfian Abdelrazik avaient comploté en 2000 pour faire exploser un avion reliant Montréal et la France.

L'avocat d'Abousfian Abdelrazik, Paul Champ, estime que le reportage tombe à un bien mauvais moment pour son client, qui tente de faire retirer son nom de la liste noire de l'ONU.

Selon Me Champ, le Conseil de sécurité de l'ONU délibère afin de déterminer s'il doit enlever Abousfian Abdelrazik de la liste des 1267 personnes à surveiller. Le nom du Soudanais d'origine apparaît sur cette liste en raison de ses liens présumés avec Oussama ben Laden et du fait qu'il se serait entraîné avec des terroristes en Afghanistan.

«Nous nous attendons à une décision d'ici la fin du mois», a expliqué l'avocat. Et c'est à ce moment critique que cette information fait surface dans la presse.»

«Selon nous, cela représente clairement une tentative de discréditer la requête de M. Abdelrazik», a affirmé Paul Champ.

Abousfian Abdelrazik, dont le nom a été ajouté à la liste d'interdiction de vol de l'ONU en 2006, a déjà été officiellement blanchi de toutes allégations de terrorisme par le Service canadien du renseignement de sécurité et par la Gendarmerie royale du Canada.

La Presse relate que, dans une conversation cryptée interceptée à l'été 2000 par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), les deux hommes auraient discuté de la possibilité de faire exploser un avion reliant Montréal et l'Hexagone à l'aide d'explosifs dissimulés dans un porte-clés.

La Presse indique avoir obtenu la transcription d'une conversation cryptée du SCRS, document que le service d'espionnage n'a pas voulu commenter ou authentifier par souci de sécurité.

Mais c'est la première fois que l'équipe de juristes d'Abousfian Abdelrazik entend parler de ces allégations, a soutenu Me Champ.

Lui et l'avocate d'Adil Charkaoui, Johanne Doyon, croient que l'affaire a été réglée en janvier 2008, lorsque la Cour fédérale a conclu que des allégations similaires contre M. Charkaoui étaient sans fondements.

Me Doyon s'est dite choquée de ces nouvelles allégations. «C'est très injuste que cela refait surface comme s'il s'agissait de nouvelles preuves, a-t-elle soutenu. Ce moyen de faire couler des informations est bon pour des dictatures dans certains pays.»

Les allégations rapportées sur Adil Charkaoui dans La Presse sont différentes d'autres déjà divulguées par le SCRS et déclarées sans fondements en 2008 par un juge fédéral.

Celles-ci faisaient plutôt référence à une conversation en juin 2000 d'Adil Charkaoui avec deux autres personnes au sujet de leur présumé désir de détourner un avion commercial.

Le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, a réagi vendredi aux révélations du quotidien La Presse sans toutefois entrer dans les détails sur les nouvelles allégations.

«Lorsque le gouvernement prend position à savoir si quelqu'un devrait avoir un certificat de sécurité ou qu'un Canadien à l'étranger est sur la liste de l'ONU pour ses liens présumés avec al-Qaïda, lorsque nous prenons de telles positions, ce n'est pas fondé sur une intuition, ce n'est pas fondé sur une insinuation ou sur des spéculations; c'est fondé sur des renseignements très solides», a-t-il dit lors d'une conférence téléphonique à partir de Bangkok, en Thaïlande.

«Et le Canada prend de telles mesures contre de tels individus lorsqu'il croit qu'ils représentent une véritable menace à la sécurité nationale», a-t-il conclu.

MM. Charkaoui et Abdelrazik ont tous deux mené des luttes pour blanchir leurs noms après avoir été accusés d'entretenir des liens avec des terroristes. Ils ont intenté des poursuites séparées de plusieurs millions de dollars contre le gouvernement canadien.

M. Abdelrazik poursuit le gouvernement canadien pour 27 millions $, alors qu'Adil Charkaoui cherche à obtenir 24,5 millions $ d'Ottawa dans sa propre poursuite.

Abousfian Abdelrazik est demeuré en exil forcé au Soudan pendant six ans où il a été détenu pendant une partie du temps. C'est en prison qu'il affirme avoir été torturé.

Depuis son retour au Canada, il a été incapable de faire retirer son nom de la liste de l'ONU et continu à être sanctionné: il ne peut pas recevoir de chèque de paie ou accepter du support matériel de quiconque.

Adil Charkaoui, d'origine marocaine, a quant à lui été arrêté en 2003 en vertu d'un certificat de sécurité nationale pour ses liens présumés avec des terroristes. Il a totalement été libéré en 2009 lorsque son certificat a été retiré.

Le professeur de français a été soupçonné pendant six ans d'être un agent dormant d'al-Qaïda. Il a été emprisonné pendant 21 mois et a porté un bracelet électronique.