Le gouvernement fédéral étudie encore tous les scénarios pour soutenir un projet hydro-électrique de Terre-Neuve-et-Labrador sur le fleuve Bas-Churchill - notamment la possibilité d'un financement direct.

En avril, le premier ministre Stephen Harper a promis d'offrir une garantie de prêt ou un équivalent financier pour la construction d'une centrale et de lignes de transport dans la province atlantique.

Cette promesse a suscité une réprobation unanime au Québec, où l'aide d'Ottawa est perçue comme une façon de créer une concurrence déloyale envers Hydro-Québec.

Lors d'une entrevue à La Presse Canadienne cette semaine, le ministre fédéral des Ressources naturelles, Joe Oliver, a évoqué pour la première fois la notion de financement direct.

«Ce que le premier ministre a promis, c'est un soutien, a-t-il dit. Mais on n'a pas précisé le moyen, qui peut-être une garantie, de l'argent direct ou une autre modalité.»

La garantie de prêt est l'hypothèse qui a le plus circulé, depuis que M. Harper a fait sa promesse d'appuyer financièrement le projet, lors de la dernière campagne électorale fédérale.

Encore la semaine dernière, lors d'une entrevue à La Presse Canadienne, le ministre des Ressources naturelles de Terre-Neuve-et-Labrador, Shawn Skinner, ne faisait référence qu'à une garantie de prêt lorsqu'il parlait de l'aide attendue d'Ottawa.

À Québec, le cabinet de la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, ne s'est pas étonné de cette nouvelle précision de M. Oliver, faisant référence à «l'équivalent financier» d'une garantie de prêt que M. Harper avait promis.

«La ministre a déjà eu l'occasion de réagir en rappelant que le Québec s'opposerait à tout type d'intervention du fédéral qui viserait le financement des infrastructures de transport d'électricité entre les provinces et les États américains limitrophes», a dit l'attachée de presse Marie-France Boulay.

Le porte-parole péquiste en matière d'énergie, le député Sylvain Gaudreault, a pour sa part affirmé qu'un financement direct rendrait encore plus flagrante l'intrusion d'Ottawa dans les compétences provinciales.

«Il y a un engagement direct, c'est tous les Canadiens, incluant les Québécois qui contribuent, a-t-il dit. Ça veut dire que par les taxes qu'on verse à Ottawa, nous les Québécois, on est en train de subventionner une infrastructure d'hydro-électricité qui va concurrencer notre propre hydro-électricité», a-t-il dit.

Tous les partis représentés à l'Assemblée nationale ont unanimement condamné la décision d'Ottawa, en votant au mois d'avril une motion déclarant «que le Québec a assumé seul, et dans l'affirmation de ses compétences, le coût total de ses installations hydroélectriques».

Jeudi, M. Oliver a affirmé qu'une décision finale pourrait être annoncée d'ici quelques mois, possiblement avant la fin de l'année, sur l'aide dont Terre-Neuve pourra bénéficier.

«La décision est prise, on va faire quelque chose, mais le moyen précis n'est pas décidé, pas encore, a-t-il dit. Mais probablement qu'on va le faire dans les mois prochains.»

En avril dernier, lors du passage de M. Harper à Terre-Neuve, il était question qu'Ottawa offre une garantie de prêt de 4,2 milliards $ pour le projet hydro-électrique de 6,2 milliards $, dont une partie de la production pourrait concurrencer celle d'Hydro-Québec aux États-Unis.

En s'opposant au soutien fédéral pour la construction de la centrale de Muskrat Falls et de lignes sous-marines de transport, le premier ministre Jean Charest a soutenu que cela aurait une influence sur les prix et influencerait le jeu de l'offre et de la demande.

Mme Normandeau a d'ailleurs soutenu qu'en finançant le projet, Ottawa contreviendrait à des dispositions sur le respect des lois du marché, inscrites dans un nouveau cadre fédéral en matière d'énergie, adopté il y a une dizaine de jours.

Tout en refusant de dire si l'aide financière fédérale permettrait à Terre-Neuve d'offrir des prix plus alléchants, M. Oliver a exprimé son désaccord envers l'interprétation de Mme Normandeau.

«La discipline du marché, c'est évidemment une chose qu'on accepte comme principe, mais de temps en temps, le gouvernement est là pour aider les projets qui ont une signification nationale et régionale qui diminuent l'impact environnemental et qui sont viables au point de vue financier», a-t-il dit.

Alors que Mme Normandeau attend encore qu'Ottawa précise davantage ses intentions, avant de décider si des poursuites pourraient être intentées, l'opposition péquiste croit que les propos de M. Oliver sont suffisamment clairs pour contester ce qu'il considère comme une intrusion fédérale dans les compétences provinciales.

«C'est le ministre qui parle au nom du gouvernement, il exprime une intention gouvernementale, a-t-il dit. À ce moment-là, ce sera au juge de dire si c'est frivole et on verra en temps et lieu.»