À quelques jours de la réunion à Genève des pays signataires de la convention de Rotterdam, les pressions se font sentir à Ottawa pour que l'amiante chrysotile soit ajouté à la liste des produits dangereux. Le Canada changera-t-il sa position? C'est ce qu'espèrent l'opposition officielle et une cinquantaine de médecins. Malgré tout, le gouvernement continue à défendre sa politique d'utilisation sécuritaire de ce minerai controversé.

Le député néo-démocrate Romeo Saganash est monté au créneau, hier, pour demander au gouvernement conservateur d'ajouter l'amiante chrysotile à la liste des produits dangereux. Toutes les autres formes d'amiante y sont déjà répertoriées, mais depuis la ratification de la convention, en 2004, le Canada met tout en oeuvre pour y soustraire l'amiante chrysotile.

«Le Canada résiste et bloque, et il a perdu beaucoup de crédibilité dans le monde à cause de ce genre d'entêtement, estime Roméo Saganash, député de l'Abitibi. On se demande pourquoi le Canada a perdu son siège au Conseil de sécurité de l'ONU, mais c'est à cause de ce genre d'attitude arrogante.»

48 médecins interpellent Ottawa

Le Canada continue à exporter 120 000 tonnes d'amiante chaque année, principalement vers des pays émergents.

Non seulement le Canada continue-t-il d'exporter l'amiante, mais il fait la promotion de son utilisation sécuritaire et contrôlée, en dépit des avis provenant de ses propres ministères.

Ainsi, Santé Canada a recommandé dès 2006 l'ajout de l'amiante chrysotile à la liste des produits dangereux, mais le gouvernement fédéral a préféré passer outre à cet avis, a-t-on appris cette semaine.

Le Canada, qui prône l'utilisation sécuritaire de l'amiante chrysotile, devrait accepter de donner plus d'information aux pays importateurs d'amiante, soutiennent 48 médecins qui ont adressé cette semaine une lettre au premier ministre Stephen Harper pour lui demander de changer cette position.

«On peut toujours dire qu'il y a une guerre d'opinion entre ceux qui croient encore à l'utilisation sécuritaire et les autres, mais on ne voit pas pourquoi les pays importateurs ne pourraient pas avoir l'information sur l'utilisation de l'amiante chrysotile, et choisir ensuite de l'utiliser en toute connaissance de cause», explique Pierre Deshaies, professeur à la faculté de médecine de l'Université Laval et signataire de cette lettre.

Soutien de Québec et d'Ottawa

Christian Paradis, ministre de l'Industrie du Canada, croit toujours que l'utilisation l'amiante canadien est sécuritaire. «Notre position reste la même. Pendant 30 ans, le Canada a fait la promotion de l'utilisation sécuritaire et contrôlée», dit Pascale Boulet, attachée de presse de M. Paradis. Le Canada ne devrait-il pas, justement, partager son savoir avec les pays importateurs? «Chaque pays définit ses lois», dit Mme Boulet, qui estime aussi qu'il y a «beaucoup d'ignorance» au sujet de l'amiante.

Le gouvernement de Jean Charest soutient lui aussi l'industrie de l'amiante. En avril dernier, Québec a donné le feu vert à un projet de relance de la mine Jeffrey, à Asbestos, avec une garantie de prêt de 58 millions.