La vérificatrice générale, Sheila Fraser, a refusé net, hier, de s'immiscer dans la campagne électorale en cours, malgré l'invitation des quatre partis politiques de publier dès maintenant son rapport final sur les dépenses controversées du gouvernement Harper pour organiser les sommets du G8 et du G20 l'an dernier.

Mme Fraser a été priée de publier son rapport final après qu'une première ébauche de ce rapport eut fait l'objet d'une fuite et donné de nouvelles munitions au Parti libéral, au NPD et au Bloc québécois à la veille du débat des chefs en anglais.

Dans ce rapport préliminaire, datant de janvier et obtenu hier par La Presse Canadienne, Mme Fraser laisserait entendre que le gouvernement Harper aurait induit en erreur la Chambre des communes, dans l'attribution de fonds liés à la tenue du sommet du G8 à Muskoka, l'été dernier.

En tout, des projets totalisant 50 millions ont été financés dans le cadre du sommet du G8, principalement dans la circonscription du ministre de l'Industrie, Tony Clement. Des toilettes publiques à 20 km du lieu du sommet, 1 million de dollars pour des trottoirs à 100 km de là, un belvédère à une heure de route font partie de la liste des projets controversés payés par des fonds publics.

Dans le rapport préliminaire, on soutiendrait que le ministre Clement, le maire de Huntsville et le gérant du complexe hôtelier où s'est tenu le sommet sont ceux qui ont choisi les 32 projets financés par les fonds publics, sans tenir compte des besoins du sommet ou des conditions d'attribution de fonds imposées par le gouvernement. Le rapport de Mme Fraser conclurait que ce processus pourrait avoir été illégal.

Les partis de l'opposition ont été outrés, hier, d'apprendre les détails du rapport préliminaire et ont exigé la publication du rapport final avant la tenue des débats des chefs. Le Parti conservateur a aussi réclamé la publication immédiate du rapport final. Mais il a soutenu que le contenu du rapport préliminaire différait grandement des conclusions de Mme Fraser dans son rapport final.

Le véritable rapport n'a pas pu être déposé au Parlement tel que prévu au début avril, en raison du déclenchement des élections.

Demande rejetée

Dans une déclaration publiée en milieu d'après-midi, Mme Fraser a rejeté la demande des quatre partis. «Nous ne publierons pas notre rapport d'audit sur le Fonds d'infrastructure du G8, et nous nous abstiendrons de tout commentaire sur le sujet. La Loi sur le vérificateur général nous interdit de présenter des rapports quand le Parlement n'est pas réuni», a affirmé Mme Fraser dans un communiqué de presse.

«Je recommande fortement au public d'attendre que la version définitive de notre rapport sur le Fonds d'infrastructure du G8 soit présentée au Parlement et rendue publique. Nous mettons beaucoup d'efforts à préserver le caractère confidentiel de nos rapports jusqu'au moment où ils sont déposés. Il semble qu'une version préliminaire de ce rapport ait été rendue publique par une source extérieure au Bureau du vérificateur général», a-t-elle dit.

Mme Fraser a aussi rappelé que, dans le cadre de ses enquêtes sur l'utilisation des fonds publics, son bureau montre les versions préliminaires aux différents ministères afin de leur permettre de s'expliquer.

«Il arrive que des renseignements supplémentaires nous soient communiqués à cette étape de la confirmation des faits. Seule la version définitive de nos rapports, celle présentée au Parlement, est représentative des constatations et des conclusions d'un audit», a-t-elle ajouté.

Avant la mise au point de Mme Fraser, le Parti libéral, le NPD et le Bloc québécois ont fait leurs choux gras des révélations de La Presse Canadienne.

«On savait qu'ils (les conservateurs) avaient dépensé de l'argent comme des marins en état d'ébriété dans la circonscription de Tony Clement, mais ce qu'on ne savait pas, c'est qu'ils semblent avoir menti au Parlement et agi en contradiction avec la loi. C'est très grave», a lancé le chef libéral, Michael Ignatieff, de retour à Ottawa après un arrêt de campagne à Kingston.

Le chef du NPD, Jack Layton, a soutenu que ces révélations justifiaient la tenue d'une enquête publique sur la gestion des sommets du G8 à Muskoka et du G20 à Toronto en juin dernier. Ces deux sommets ont coûté 1 milliardaux contribuables.

Réagissant au nom du Parti conservateur, le ministre John Baird et candidat conservateur dans Ottawa-Ouest-Nepean a assuré que la version finale qu'il a vue ne comportait pas de «commentaires incendiaires» comme ceux rapportés par La Presse Canadienne.

Il a affirmé que les parties du rapport indiquant que les conservateurs avaient obtenu l'approbation du Parlement sous de faux prétextes et que le choix des projets subventionnés avait été fait par le ministre Tony Clement ne se retrouvent pas dans la version finale du rapport. Selon lui, les décisions ont été prises par Infrastructure Canada et les fonds ont été dépensés judicieusement.

- Avec la PC